A Dakar, le styliste Alphadi en guerre contre la charia
Sa collection scintillante aux couleurs vives, portée par de jeunes et jolies mannequins aux bras nus qui marchent en se déhanchant sur le podium d'un grand hôtel de Dakar, s'accommode mal des principes de la stricte charia qu'ont commencé à imposer ces groupes islamistes dans la ville du nord du Mali il y a près de trois mois.
"C'est bien ça l'idée!", rit le styliste qui vient de participer à la dixième édition de la semaine de la mode de Dakar qui s'est achevée dimanche.
Alphadi est né il y a 55 ans à Tombouctou, "perle du désert" classée au patrimoine mondial de l'Unesco, ancien haut-lieu touristique du Mali qui fut un grand centre intellectuel et commercial d'Afrique. Depuis fin mars, la ville est occupée et contrôlée par les islamistes radicaux d'Ansar el-Dine (Défenseurs de l'islam) et d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui y imposent leur loi.
Désormais, toutes les femmes doivent y porter le voile, l'alcool et les cigarettes y sont interdits, les bars fermés et incendiés, les coups de fouet pour ceux qui refusent de se soumettre monnaie courante. Des milliers de ses habitants ont préféré fuir, dans d'autres régions du Mali ou les pays voisins.
"Cela me choque", affirme Alphadi à l'AFP. "Tombouctou a toujours été une ville laïque, tout le monde y vivant ensemble, Noirs et Blancs partageant, une ville mystérieuse, très cosmopolite", ajoute-t-il. Alphadi a quitté Tombouctou pour le Niger avec ses parents commerçants alors qu'il n'avait que 13 ans, avant d'aller trouver la gloire comme styliste de mode à New York et Paris.
"La situation au Mali me touche profondément, je suis Malien d'origine, ça ne peut pas continuer comme ça", le styliste, qui a organisé une sorte de téléthon à Niamey pour aider les milliers de Maliens réfugiés au Niger.
A la fin du défilé de ses modèles à Dakar, en partie composés de tissu bazin, il est apparu vêtu aux couleurs de son pays d'origine, brandissant un immense drapeau malien, signe qu'il ne l'oublie pas.
Une autre styliste malienne présente à Dakar, Mariah Bocoum, s’est elle inspirée du coup d’Etat qu’elle a vécu le 22 mars à Bamako pour réaliser une mini-collection de cinq modèles : deux avec bérets et ceintures verts et rouges, couleurs des soldats mutins et loyalistes qui se sont battus lors du coup d'Etat et après, les trois autres représentant "la population malienne comme j'aimerais la voir, pleine de couleurs qui expriment la joie, bleu, vert, orange, jaune".
"C'est une invitation à se débarrasser de cette haine entre nous", explique-t-elle, "bérets verts contre bérets rouges, des Touareg (du Nord) contre les habitants du Sud et vice-versa. Mon rêve est de voir les Maliens main dans la main, pour sortir notre pays des griffes des islamistes."
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