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A Dakar, le styliste Alphadi en guerre contre la charia

Le styliste de mode le plus célèbre du Sahel, le Nigérien d'origine malienne Alphadi, a profité de la semaine de la mode de Dakar pour exprimer son rejet de la charia (loi islamique) qui est appliquée dans sa ville natale de Tombouctou, contrôlée par des groupes armés islamistes
Article rédigé par franceinfo - Valérie Oddos
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Temps de lecture : 2min
Une création du styliste Alphadi, à la semaine de la mode de Dakar (16 juin 2012)
 (Rebecca Blackwell/AP/SIPA)

Sa collection scintillante aux couleurs vives, portée par de jeunes et  jolies mannequins aux bras nus qui marchent en se déhanchant sur le podium d'un grand hôtel de Dakar, s'accommode mal des principes de la stricte charia qu'ont commencé à imposer ces groupes islamistes dans la ville du nord du Mali il y a près de trois mois.

"C'est bien ça l'idée!", rit le styliste qui vient de participer à la  dixième édition de la semaine de la mode de Dakar qui s'est achevée dimanche.

Le styliste nigérien Alphadi à Dakar (16 juin 2012)
 (Seyllou / AFP)

Alphadi est né il y a 55 ans à Tombouctou, "perle du désert" classée au patrimoine mondial de l'Unesco, ancien haut-lieu touristique du Mali qui fut un grand centre intellectuel et commercial d'Afrique. Depuis fin mars, la ville est occupée et contrôlée par les islamistes radicaux d'Ansar el-Dine (Défenseurs  de l'islam) et d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui y imposent leur loi.

Désormais, toutes les femmes doivent y porter le voile, l'alcool et les cigarettes y sont interdits, les bars fermés et incendiés, les coups de fouet pour ceux qui refusent de se soumettre monnaie courante. Des milliers de ses habitants ont préféré fuir, dans d'autres régions du Mali ou les pays voisins.

"Cela me choque", affirme Alphadi  à l'AFP. "Tombouctou a toujours été une ville laïque, tout le monde y vivant ensemble, Noirs et Blancs partageant, une ville mystérieuse, très cosmopolite", ajoute-t-il. Alphadi a quitté Tombouctou pour le Niger avec ses parents commerçants alors qu'il n'avait que 13 ans, avant d'aller trouver la gloire comme styliste de mode à New York et Paris.

"La situation au Mali me touche profondément, je suis Malien d'origine, ça ne peut pas continuer comme ça", le styliste, qui a organisé une sorte de téléthon à Niamey pour aider les milliers de Maliens réfugiés au Niger.

La styliste malienne Mariah Bocoum et ses mannequins à Dakar (12 juin 2012)
 (Seyllou / AFP)

A la fin du défilé de ses modèles à Dakar, en partie composés de tissu  bazin, il est apparu vêtu aux couleurs de son pays d'origine, brandissant un  immense drapeau malien, signe qu'il ne l'oublie pas.

Une autre styliste malienne présente à Dakar, Mariah Bocoum, s’est elle inspirée du coup d’Etat qu’elle a vécu le 22 mars à Bamako pour réaliser une mini-collection de cinq modèles : deux avec bérets et ceintures verts et rouges, couleurs des soldats mutins et loyalistes qui se sont battus lors du coup d'Etat et après, les trois  autres représentant "la population malienne comme j'aimerais la voir, pleine de  couleurs qui expriment la joie, bleu, vert, orange, jaune".

"C'est une invitation à se débarrasser de cette haine entre nous",  explique-t-elle, "bérets verts contre bérets rouges, des Touareg (du Nord) contre les habitants du Sud et vice-versa. Mon rêve est de voir les Maliens main dans la main, pour sortir notre pays des griffes des islamistes."

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