Visite en avant-première de la maison de Zola, qui rouvre ses portes avec un nouveau musée consacré à l'affaire Dreyfus
La maison de Zola, restaurée, rouvre ses portes au public le 28 octobre à Médan, dans les Yvelines, après 10 ans de fermeture, et s'enrichit d'un nouveau musée consacré à l'affaire Dreyfus.
Fermée au public pendant 10 ans, la maison d'Emile Zola, à Médan, dans les Yvelines, a été restaurée et rouvre ses portes à partir du 28 octobre. Adossé à la maison du célèbre auteur de "J'accuse", s'ajoute le musée Dreyfus, inauguré par le président Emmanuel Macron le jeudi 26 octobre.
"Je suis très émue, Zola est mon idole depuis mes 13 ans", lâche la romancière Tatiana de Rosnay qui ne cache pas son émotion en découvrant la maison où le célèbre écrivain a écrit une partie de son œuvre. La visite a lieu en avant première, avec pour guide Martine Le Blond-Zola, l'arrière-petite-fille de l'écrivain. "J'ai découvert Zola avec Germinal, et depuis j'ai lu toute son œuvre", souffle Tatiana de Rosnay, osant à peine poser sa main là où Zola posait sans doute la sienne, sur la rampe de l'étroit escalier de bois qu'il empruntait chaque matin, pendant 24 ans, pour grimper dans son bureau.
Tatiana de Rosnay découvre pour la première fois un lieu qu'elle a imaginé et mis en scène dans sa voix avec le projet Territoires intimes, une série de fictions sonores, initiée par la productrice et réalisatrice Audrey Siourd. L'idée de cette série d'audio livres est de "travailler sur la transmission de la littérature", souligne la productrice. "Je pense que l'audio peut permettre de faire venir ou revenir des gens qui ne lisent pas, ou qui ne lisent plus, à la littérature".
Trois modules proposent ainsi de découvrir les univers de trois auteurs, choisis par Tatiana de Rosnay : Emile Zola, Daphné du Maurier, et Virginia Woolf. Dans cette "fiction sonore" découpée en trois épisodes de 35 minutes et déclinée en e-book, la romancière invite l'auditeur dans les "territoires intimes" de ces trois auteurs, à travers les lieux où ils ont vécu, où ils ont écrit, comme ici à Medan, pour Zola.
Passage d'un train, bourdonnements d'insectes, bruissement d'une lettre qui tombe, grattement d'une plume sur le papier, les textes écrits par Tatiana de Rosnay sont mis en scène dans des ambiances sonores et musicales. "L'idée est de créer une immersion dans un univers, une évocation, à travers des sons, des musiques, mais sans appuyer", explique Audrey Siourd.
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"Pas un jour sans une ligne"
A Médan, la visite se poursuit avec la découverte du fameux bureau de Zola, monumental, avec une mezzanine et une immense baie vitrée donnant sur la Seine. "Pas un jour sans une ligne", la devise est inscrite en lettres peintes sur la cheminée. Un large bureau, un grand fauteuil, l'association Maison Zola - Musée Dreyfus a voulu reconstituer l'atmosphère de ce lieu où l'auteur des Rougon- Macquart passait la moitié de l'année, celui où il se retranchait pour écrire. "Tous les jours il montait à 9 heures avec son chien Pimpin, et il écrivait jusqu'à 13 heures, avec comme objectif d'écrire quatre pages de manuscrit. Le même rituel pendant 24 ans", raconte son arrière-petite-fille, issue de l'histoire d'amour entre Zola et Jeanne Rozerot, la lingère de Médan.
"On n'a pas voulu mettre de cartels, pas voulu que l'endroit ressemble à un musée", souligne Martine Le Blond-Zola. Salon, chambre à coucher, cuisine... "On a cherché à retrouver les meubles authentiques d'origine quand c'était possible, et à en acheter d'autres dans l'esprit de l'époque. L'idée est que le visiteur se sente comme invité chez Zola. Il ne manque que les odeurs de cuisine", se réjouit-elle.
Cette maison, Émile Zola l'a achetée en 1878, avec les droits de L'assommoir. "Ensuite, il l'a agrandie avec les droits de ses succès littéraires, et au fur et à mesure, il a baptisé les nouveaux bâtiments des noms de ses romans : tour Germinal, tour Nana… ", explique l'arrière-petite-fille du romancier. "Il y avait une forme de revanche sociale qui s'est exprimée dans cette maison, car Zola a connu la misère dans son enfance, après la mort de son père, et dans sa jeunesse. Une misère qui a nourri ensuite son œuvre. Il dépensait sans compter dans cette maison, mais Zola n'était pas ce que l'on appelle un bourgeois. Il était un artiste", insiste son arrière-petite-fille.
"Il écrivait en espérant changer la société"
"C'était lui l'architecte, il a tout dessiné et il choisissait lui-même les meubles, les élément des décoration, il faisait des demandes très précises aux artisans, comme pour les vitraux de la salle de réception, au rez-de-chaussée, on a des échanges de lettres dans lesquelles il demandait précisément une petite mouche par-ci, un petit un oiseau, par là…", s'amuse Martine Le Blond-Zola. "Zola était un amoureux de la nature. Ici il y avait une ferme, avec un potager, des lapins, une vache. Zola était un défenseur du vivant, et c'est aussi pour cela qu'il aimait venir travailler ici", ajoute-t-elle.
"Zola a eu une fin de vie très difficile, il ne s'attendait pas à de telles réactions quand il a pris la défense de Dreyfus", souligne son arrière-petite-fille. "Zola était un homme sensible à la misère et à l'injustice. Pour lui c'était naturel de chercher à sortir un homme innocent du bagne. C'était une réaction humaine avant d'être politique. Pour lui, c'était viscéral et il n'a pas hésité à tout sacrifier pour ça, y compris son confort. C'est aussi pour ça qu'il écrivait, avec l'espoir de changer la société", ajoute Martine Le Blond-Zola. "Il a vraiment été très triste à la fin de sa vie", ajoute-t-elle.
Un musée Dreyfus
"C'est la raison pour laquelle l'association a décidé d'ouvrir un musée dédié à l'histoire de Dreyfus dans la maison de Médan", explique Louis Gautier, président de l’Association Maison Zola - Musée Dreyfus. Lieu de pèlerinage et d'hommage à l'auteur de "J'accuse", il était "naturel d’y établir un musée", estime Louis Gautier, logique d'en faire "un lieu emblématique d’une pensée engagée dans son siècle". Ce musée, porté par Pierre Berger et parrainé par Elie Wiesel, a été aménagé dans la partie construite après la mort de Zola, quand la maison a été donnée à l'assistance publique.
Très beau et très didactique, le musée retrace les racines de l'affaire et interroge sur ses prolongements au cours de l'histoire, jusqu'à aujourd'hui, "qu’il s’agisse de l’antisémitisme, du racisme et de l’exclusion, du fonctionnement de la justice, du rôle des médias et des réseaux sociaux, de la place des intellectuels en démocratie". Si le musée a d'abord une vocation pédagogique, en direction des jeunes générations, "c'est aussi une offre supplémentaire pour tous ceux qui viennent visiter la maison de Zola", conclut Louis Gautier.
- Maison Zola – Musée Dreyfus
Ouvert du mercredi au dimanche de 10h00 à 17h30, sur réservation.
26 Rue Pasteur 78670, Médan / Tel : 01 39 75 35 65
"Territoires intimes, Sur les traces de Daphné du Maurier, Virginia Woolf et Émile Zola", fiction sonore inédite, écrite et lue par Tatiana de Rosnay, réalisée par Audrey Siourd. (Durée : 110 minutes. Une production originale Kobo / Grimm & Co. Bande son originale).
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