Cet article date de plus de cinq ans.

Vidéo Tinder, Big Brother ? Données personnelles, notes... Comment l'application ne laisse rien au hasard

Publié
Temps de lecture : 3min - vidéo : 2min
module enquete tinder
module enquete tinder module enquete tinder
Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions

Dans "L'Amour sous algorithme", une enquête à la première personne, la journaliste indépendante Judith Duportail dévoile l'ampleur des données personnelles collectées par Tinder et l'utilisation qu'en fait l'application. 

Quand Judith Duportail, alors âgée de 28 ans, télécharge pour la première fois l'application de rencontres Tinder, les débuts sont plutôt idylliques. "Au début, j'ai adoré Tinder, relate la journaliste, cinq ans plus tard. J'avais l'impression d'être un peu une star sur le marché de la séduction." La "lune de miel", selon ses mots, ne durera pas longtemps. Un matin, à la lecture d'un article, Judith Duportail découvre que l'application développe, pour chacun de ses utilisateurs, un "Elo score". Comprenez une note de désirabilité, sans que personne n'en ait conscience. 

C'est ainsi que commence l'enquête de la journaliste indépendante, membre du collectif de femmes journalistes Les Journalopes. Dans le livre L'Amour sous algorithme (éditions Goutte d'Or), publié jeudi 21 mars, Judith Duportail révèle les différentes données personnelles stockées par Tinder pour chacun de ses utilisateurs. Et surtout, elle détaille le mode de fonctionnement de l'algorithme qui manipule, grâce à ces données, les rencontres sur l'application. 

Toutes les discussions stockées

En partant en quête de son "Elo score", Judith Duportail reçoit en retour... un document de 800 pages, recensant l'intégralité de ses données personnelles sur l'application. Elle passe, se souvient-elle, près de huit heures à tout lire. "Il y avait qui je suis pour Tinder : mon horaire de dernière connexion, le type de mec que je recherche, tous mes likes Facebook, toutes mes photos Instagram et puis, surtout, l'intégralité de mes matchs [rencontres en ligne]".

Je ne m'attendais pas à ce qu'ils stockent tous mes messages et toutes mes discussions. Je ne m'étais même pas posé la question.

Judith Duportail, journaliste

à franceinfo

En scrutant ces centaines et centaines de données personnelles, la journaliste prend conscience "de tout ce que l'on délivre volontairement sur nous-mêmes". Car ces 800 pages "n'étaient que des informations que j'ai dévoilées de moi-même, insiste la jeune femme. C'est bien dit dans les conditions d'utilisation, noir sur blanc. Il ne faut pas vous attendre à ce que vos données restent sécurisées." 

Un algorithme accusé de sexisme

Il y a une raison claire derrière cette impressionnante collecte de données, développe Judith Duportail dans son livre-enquête. L'objectif est de "faire matcher" (c'est-à-dire se rencontrer) les 60 millions d'utilisateurs de Tinder à travers le monde "avec les personnes les plus susceptibles de nous plaire". Mais selon le brevet de l'application, que la journaliste révèle dans L'Amour sous algorithme, cela veut surtout dire les personnes les plus susceptibles de nous ressembler. 

Dans cette optique, "Tinder se réserve la possibilité de nous évaluer sur notre attractivité physique, mais aussi sur notre intelligence, en étudiant nos messages, notre niveau d'écriture... Et aussi sur notre niveau de diplôme et notre niveau de revenus", détaille Judith Duportail. Un algorithme sophistiqué donc, mais aussi sexiste, avance l'auteure, brevet de Tinder à l'appui. "Tinder se réserve la possibilité d'évaluer les hommes différemment des femmes", assure-t-elle. 

Ce système de "matching" met en valeur un homme qui est toujours un peu plus fort, ou en situation de domination par rapport à sa compagne. Des couples où l'homme est dominant par rapport à la femme.

Judith Duportail

à franceinfo

Tinder a refusé de répondre à l'auteure au sujet de ce brevet. Mais il y a quelques jours, l'application, dont le chiffre d'affaires s'élevait à 800 millions d'euros en 2018, a annoncé l'abandon de sa note de désirabilité. Quant à son algorithme, "on devrait avoir le droit de savoir comment il fonctionne", souligne Judith Duportail. "Les conséquences sur nos vies sont immenses. Ça veut dire qui on a le droit de rencontrer, qui on a le droit de toucher, qui on a le droit d'aimer."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.