Un musée Jean Cocteau à Menton
Séverin Wunderman fit fortune en Amérique dans l'horlogerie de luxe et collectionna dès l'âge de 19 ans des dessins de Cocteau. En 2005 il donne à la ville de Menton 1 800 œuvres dont 990 de Jean Cocteau. Il pose une condition : ces œuvres doivent être exposées dans un musée.
C'est chose faite: un écrin blanc aux formes méandreuses dessiné par l'architecte Rudy Ricciotti abrite la plus grande collection publique mondiale du poète. Dessins, peintures, céramiques, tapisseries, livres, manuscrits, photographies de Cocteau, œuvres de ses amis (Picasso, Modigliani, Foujita, De Chirico)... Le musée projette aussi des extraits de ses films.
« Un objet difficile à ramasser »
C'est ainsi que l'artiste qualifie lui-même son œuvre éclectique.
"Cocteau détestait les musées, qui tuaient selon lui la vitalité d'une œuvre", explique la conservatrice Célia Bernasconi. La sélection de 250 œuvres se veut "une promenade" à travers une vie intensément créative (1889-1963). Quatre collections seront exposées tour à tour pendant un an.
Homme de lettres et dandy anti-conformiste, Cocteau a exploré tous les genres, de la poésie à la prose. Homme de spectacle, il s'est mué en metteur en scène, acteur, décorateur, librettiste. "Il ne faut pas taxer Cocteau de "dispersion", juge l'expert François Nemer dans un article du catalogue, "sa recherche profonde et parfaitement cohérente touche précisément à la synthèse des arts". Cocteau conçoit par exemple en 1917 un livret pour les Ballets russes, "Parade", sur une musique de Satie et avec des décors de Picasso.
« Un poète qui dessine »
Le nouveau musée expose beaucoup de dessins et de caricatures, souvent réalisés à la plume avec "virtuosité, une grande économie de moyens, et un aspect cristallin", admire la conservatrice. "Il dira qu'il est un poète qui dessine".
A voir: de nombreux autoportraits, parfois sans visage, reflet narcissique de sa longue quête d'identité. Même un portrait réalisé par son ami Modigliani en 1916, le présente avec des traits effacés.
Après le décès prématuré en 1923 de son grand amour Raymond Radiguet (auteur du "Diable au corps"), Cocteau se réfugie sur la côte d'Azur, à Villefranche-sur-Mer, où il devient fumeur d'opium et réalise 31 autoportraits tourmentés.
"C'est le poète qui se regarde dans le miroir et s'interroge sur son activité". Obsédé par le mythe d'Orphée, il traverse les miroirs vers la mort à la recherche d'Eurydice (et de Radiguet).
Les Japonais aiment Cocteau
"Cocteau est aujourd'hui plus reconnu en France pour ses écrits que pour ses dessins, mais ses dessins font un retour en force depuis une décennie", grâce entre autre à une exposition en 2003 au Centre Georges-Pompidou, note Célia Bernasconi.
Prisée au Japon ou aux Etats-Unis, "son œuvre représente une certaine idée de la France. Les Japonais aiment son sens de la spontanéité, qui peut être rapprochée de la calligraphie et ils ont adoré le film "La Belle et la Bête" (1946) avec son compagnon, l'acteur Jean Marais, exemple de "réalisme irréel, qui va devenir la quête de son art" rappelle Célia Bernasconi.
Cocteau et la ville de Menton : une vieille histoire d'amour
Dans les années 50, Cocteau réside essentiellement chez son amie et mécène Francine Weisweiller, dans une villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat où il dispose d'un atelier.
Le maire de Menton lui demande en 1956 de décorer la salle des mariages de l'hôtel de ville d'immenses fresques murales, "tatouages" inspirés du mythe d'Orphée. La ville offre aussi à son citoyen d'honneur un vieux bastion pour y loger ses œuvres méditerranéennes. Cocteau y consacre trois ans de réflexion, mais meurt avant l'ouverture en 1966 de son premier musée mentonnais.
MUSEE JEAN COCTEAU - Collection Séverin Wunderman
Musée Jean-Cocteau - collection Séverin Wunderman, Menton
Ouvert tous les jours de 10h à 18h
Entrée: 6 euros (avec musée du Bastion), 8 euros (avec exposition temporaire)
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