"Notre façon de parler des corps rime avec liberté" : la directrice du Salon du livre de jeunesse, Sylvie Vassallo, présente l'édition 2023
Comme chaque année, le Salon du livre et de la presse jeunesse s'installe à Montreuil en cette fin novembre. La thématique du corps est au cœur de cette édition et s'incarne à travers le personnage de son affiche, un "chewing gum" rigolo, imaginé par l'autrice et illustratrice jeunesse Albertine. Sylvie Vassallo, depuis plus de vingt ans aux manettes de ce salon pas comme les autres, nous dit tout de cette nouvelle édition.
Franceinfo Culture : À quels univers renvoie le livre jeunesse en général ?
Sylvie Vassallo : La littérature jeunesse est extrêmement diverse. C'est peut-être le qualificatif le plus juste. Elle est diverse en âge puisque c'est une littérature qui s'adresse du bébé jusqu’aux jeunes adultes. Elle est diverse également en termes de formes de récit puisqu'il peut y avoir des romans, des bandes dessinées, des romans graphiques, des albums, des livres tout en images, des livres audio, des livres musicaux, des podcasts… Il y a vraiment des supports et des formats d'histoires très différents, tous les genres sont représentés dans l'édition et la littérature de jeunesse. Il y a aussi une grande diversité d'éditeurs. En somme, toutes les manières de raconter des histoires aux enfants sont bonnes à prendre.
Que peut-on dire aujourd’hui des grandes tendances qui dominent cette littérature jeunesse ?
Ce qui est marquant ces dernières années, c’est la force de la littérature pour les tout-petits (0-3 ans) – il y a vraiment des choses excellentes pour eux – et les différents supports disponibles comme les livres sonores, musicaux, des livres qui sont des objets littéraires. Tout aussi marquante est la place prise par la littérature audio. Il y a une grosse poussée de la littérature pour les adolescents, même s'il y a un recul ces deux dernières années, de la BD aussi. Enfin, bien que nous ayons une littérature de grande qualité en France, le marché est dominé par la littérature anglo-saxonne.
Cette édition propose une exposition interactive et immersive baptisée "La tectonique des corps", en écho au thème de cette année. En quoi le corps vous est-il apparu comme une thématique pertinente pour cette 39e édition ?
C’est un peu naturel pour nous parce que le corps des enfants est peut-être ce qui bouge le plus entre la naissance et la fin de l’adolescence. Dans cette métamorphose, il y a beaucoup de choses à comprendre, à accepter et à faire bouger. C’est pour cela que l’on utilise le terme de "tectonique", parce que ce mouvement n’est pas toujours harmonieux. Nous avons voulu parler de cela ainsi que de questions de société. On entend beaucoup parler aujourd'hui de violences faites aux enfants, de harcèlement… Tout cela touche au corps aussi, à l’image que l’on a de ce corps, à sa représentation, aux stéréotypes de genre, de norme. Nous avons voulu réfléchir avec les auteurs et les illustrateurs, les créatrices et les créateurs sur la manière dont la littérature de jeunesse accompagne ces grands enjeux qui sont à la fois collectifs et aussi très personnels.
Comment cette littérature de jeunesse accompagne-t-elle ce corps justement ?
Avec des histoires qui sont celles des enfants et des jeunes d'aujourd'hui. Elle l'accompagne avec des façons d'ouvrir des chemins parce que la littérature jeunesse n’apporte pas des réponses en soi. Mais des histoires qui aident à se sentir à l'aise, qui offrent des références, éventuellement des miroirs, qui ouvrent des chemins de pensée. C’est cette ouverture, cet horizon qui nous paraît important aussi bien du point de vue des personnages, des histoires que des formes de représentation. Quand on voit notre affiche, à elle toute seule, elle résume ce que l’on a voulu exprimer. Le corps est présent, il peut être joyeux, il a aussi une forme qui n’est pas forcément normée, qui n’est pas celle que l’on attend, qui ne répond pas aux canons dits de la beauté. Il est en mouvement, il est transformable, on sent qu’il est élastique. Cette façon de parler des corps rime avec liberté.
Et on la prendra avec cette exposition immersive dont nous parlions tout à l'heure...
À l’intérieur, contrairement à l'année dernière, elle s’organise en quatre espaces autour de quatre artistes venus de plusieurs endroits du monde : le Canada, la Suisse où travaille Albertine qui a créé l’image du salon, la Norvège et la France. Des regards différents donc sur la manière dont les corps sont représentés en littérature de jeunesse. C'est une immersion dans l'univers des artistes que nous avons choisi. Ce qui nous a semblé important, c'est de ne pas simplement montrer des images qui sont accrochées sur des cadres, mais de mettre le corps en mouvement à l’intérieur de l’exposition. Il y a une série de dispositifs qui le permet, qui donne la possibilité aux enfants de jouer avec leur corps à l’intérieur de cette exposition, à la manière dont les illustrateurs dessinent. En fait, on va leur proposer de se glisser dans des espaces, de se prendre en photo, de se regarder, de faire des roulades… En somme, d’être à l'image de ces corps qui sont dessinés.
Outre cette exposition, que va-t-on découvrir dans le salon ?
Difficile à résumer en quelques phrases parce qu'il y a 1 300 autrices et auteurs qui seront présents cette année et dédicaceront leurs livres. Nous invitons à découvrir la grande diversité des éditrices et des éditeurs, plus de 400. Le dimanche après-midi, les Pépites (20 livres finalistes sélectionnés par les comités de lecture du salon dans la littérature de jeunesse francophone au cours de l’année, l’un d’eux recevra la Pépite d’or) et la Grande Ourse seront remis. On a un tout nouvel espace baptisé "Bibookin", une bibliothèque constituée des livres que nous avons aimés cette année, pour ceux qui veulent découvrir nos labels de référence en littérature de jeunesse. C’est l’endroit où il faut absolument être. Par ailleurs, il y a de nombreuses activités dans "L'Atelier des livres à soi" avec des illustratrices et illustrateurs qui travaillent sur cette question du corps.
Y a-t-il quelque chose qui vous a interpellé en préparant cette édition autour du corps et sur laquelle vous avez décidé de mettre un accent particulier ?
Les violences faites aux enfants. Il y a un concours de dates : la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) vient de rendre son rapport au gouvernement sur l’ampleur des violences faites aux enfants et a fait des préconisations. Au salon, nous avons choisi de faire un séminaire, le 4 décembre, réunissant des auteurs, des éditeurs et des associations qui travaillent sur ces questions, comme "Le colosse aux pieds d’argile", "L’Enfant bleu" et le 119 pour réfléchir à la manière dont notre profession peut s’investir sur ce sujet. L’idée étant de mener ensuite une campagne commune l’année prochaine pour les 40 ans du salon.
Vous offrez cette année un large accès au salon...
Tout le monde ne peut pas venir au salon et nous avons pensé à cela. Par conséquent, tous les soirs de 17h à 20h, il y a un décrochage de Montreuil avec une télévision du salon où l’on va découvrir des autrices et des auteurs de talent.
Salon du livre et de la presse jeunesse, du 29 novembre au 4 décembre 2023
Entrée gratuite, en ligne et sur place, pour les enfants et les jeunes de moins de 18 ans
(tout visiteur doit être muni d’un billet pour entrer au Salon, y compris les enfants)
Lieu : Paris Montreuil Expo, 128 rue de Paris - Entrée Porte C (Rue Marcel Dufriche) 93100 Montreuil
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