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Vidéo Parution de "Guerre", un inédit de Céline : "C'est en partie autobiographique", explique Pascal Fouché, l'historien chargé de retranscrire le manuscrit

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Article rédigé par franceinfo
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"Il a une écriture de médecin, très rageuse. Il écrit très vite, il rature, c'est un manuscrit de premier jet", décrit Pascal Fouché qui a retranscrit le manuscrit inédit.

Soixante ans après la mort de Louis-Ferdinand Céline, un livre inédit de l’écrivain connu pour ses positions antisémites, va paraître jeudi 5 mai chez Gallimard. Ce court roman intitulé Guerre fait partie des quelques 6 000 feuillets inédits de l’écrivain qui ont réapparu dans des circonstances rocambolesques. D'autres manuscrits comme Londres, suite directe de Guerre doit paraître à l’automne. Plus personne n’espérait retrouver ces textes. "Au départ, on ne savait pas quelle [en] était la qualité", explique mercredi 4 mai sur franceinfo Pascal Fouché, historien, auteur de plusieurs ouvrages concernant Louis-Ferdinand Céline.

franceinfo : Quelle est l'histoire de ces manuscrits ?

Pascal Fouché : Ces manuscrits ont disparu quand Louis-Ferdinand Céline est parti en Allemagne à la fin de l'Occupation. Il a laissé dans son appartement [du quartier de Montmartre] un certain nombre de manuscrits, soit ceux de livres publiés, soit des manuscrits sur lesquels il travaillait encore. On a longtemps pensé qu'ils avaient disparu. Beaucoup de gens ont enquêté pour savoir ce qu'ils étaient devenus. On savait que l'appartement avait été visité, voire pillé par plusieurs personnes, notamment des résistants. Il y avait des témoignages qui disaient que la concierge d'à côté avait vu voler des pages dans les airs. Donc on aurait pu penser que certains manuscrits avaient terminé à la benne. Mais on a eu la surprise au mois d'août d'apprendre que quelqu'un les avaient récupérés et les avaient conservés pendant tout ce temps. Cette personne les avait remis à un ancien journaliste de Libération qui les a lui-même rendus aux ayants droit l'été dernier.

Comment avez-vous travaillé pour ce livre ?

Il y avait tout un ensemble de manuscrits dont plusieurs textes inédits. Un tri a été fait et le manuscrit de Guerre, comptant 250 feuillets, était le moins gros. Une fois que les ayants droit se sont mis d'accord avec Gallimard pour en faire la publication on m'a sollicité pour retranscrire. Gallimard a fait numériser toutes les pages du manuscrit. Je les ai quand même eues en main et c'est très émouvant. Il a une écriture de médecin, très rageuse. Il écrit très vite, il rature, c'est un manuscrit de premier jet. Au départ, on ne savait pas quelle était la qualité de ce manuscrit.

Avez-vous dû faire des choix, imaginer ce qu'il a voulu dire ?

Le moins possible. Avec un peu d'habitude, on arrive à lire ce qu'il dit. Il utilise beaucoup d'abréviations, rature de temps en temps, réécrit entre les lignes et c'est là que c'est un peu délicat. Quelques fois on devine plus ce qu'il a voulu dire qu'on le lit réellement. Le travail c'est justement de rendre ce qu'il a fait sans dénaturer, sans inventer les mots.

Ce livre raconte sa convalescence en 1914 dans un hôpital de campagne du Nord. C'est un livre cru. Mais particulièrement violent. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

C'est en partie autobiographique. Le livre commence quand Ferdinand, le personnage de Céline, est blessé et se réveille sur le champ de bataille au milieu de ses camarades morts. Il se traîne dans la campagne pour rejoindre son unité, il est récupéré par des soldats et emmené à l'hôpital où il va être soigné. Dans ce roman, ce qui est très présent, c'est la mort, la guerre. Il entend les bombardements au loin, il a été blessé à la tête et il ressent un bourdonnement dans la tête qu'il ressentira toute sa vie. Céline l'a dit, il y a une grande part de réalité. "

Il écrit : 'j'ai attrapé la guerre dans ma tête'. Cette phrase résume bien l'œuvre telle qu'elle est."

Pascal Fouché, historien

à franceinfo

Il est très profondément marqué par cet épisode. On pense qu'il l'a écrit vers 1934, donc 20 après, et on sent qu'il est encore profondément marqué. On sait qu'il a craint l'arrivée de la Seconde Guerre mondiale.

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