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"Une fille" : la vie de Juliette Kahane, fille de l'éditeur Girodias
Dans son cinquième roman, Juliette Kahane raconte son enfance entre une mère désordonnée et son père Maurice Girodias, l'éditeur de "Lolita", Miller et Burroughs, dandy et provocateur. Une peinture de la société française entre la deuxième guerre mondiale et aujourd'hui.
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L'histoire : Juliette vit dans un appartement désordonné, un capharnaüm, "l'œuvre de la tristesse de Laurette", sa mère. Juliette y vit avec elle, sa sœur, et sa grand-mère. Gynécée envahie par la mélancolie de la mère, et l'extravagance de la grand-mère musicienne. De temps en temps, le père, dandy toujours élégant, vient la prendre et l'emmène dans des endroits fréquentés par des adultes.
Juliette est maigre, mal fagotée. Elle sent les regards sur elle en écoutant son père parler. Son père vit la nuit, édite des livres qui font scandale, séduit les femmes. Derrière tout cela des secrets difficiles à comprendre, que Juliette affleure en regardant "Nuit et brouillard". Puis la petite fille devient une jeune fille, part retrouver son père à New York, où il a émigré pour cause de poursuites judiciaires en France, puis elle file sur la côte ouest et traverse la Californie. Elle a 17 ans, et quand elle rentre en France Mai 68 a sonné. C'est le temps pour elle d'une nouvelle naissance.
Se libérer du passé
Pour écrire ce livre, Juliette Kahane exhume les archives de son père. Elle lit aussi pour la première fois son autobiographie, "Une journée sur la terre", une fouille archéologique dans le passé et l'histoire d'une famille. Juliette Kahane revient sur les secrets de famille du côté du père, sur l'histoire d'amour de ses parents et l'inconstance de son père, figure complexe et ambiguë ce "Prince of porn", "Lénine de la Révolution sexuelle", défenseur de la liberté contre la censure mais aussi personnage trouble pendant la seconde guerre mondiale et sur sa mère, qui s'enferme inexorablement dans la mélancolie.
Juliette Kahane fait le récit de sa propre vie et évoque les difficultés à s'arracher au capharnaüm de l'enfance pour trouver enfin son chemin, tout cela avec en toile de fonds le monde qui bouge. Car en faisant le récit de sa propre vie, la romancière balaie toute la deuxième partie du XXe siècle : la deuxième guerre mondiale et ses hontes, la société d'après-guerre, où l'on était poursuivi par la justice quand on publiait des livres contraires à la morale, où l'avortement n'était pas encore autorisé… Puis les frémissements de Mai 68 et la parole qui se libère. Bref, "Une fille" est l'histoire d'un destin un peu à part, qui épouse les grands mouvements du monde et de la société française après la seconde guerre mondiale. Une fille Juliette Kahane (L'Olivier – 173 pages – 16,50 euros)
Extrait :
"Quelque chose, dans leurs yeux, venait de dérailler.
Ils les regardaient approcher de la table, les regardaient du coin de l'œil lui et ce qui arrivait avec lui, Tiens Girodias sort une de ses filles ce soir, sans cesser de parler entre eux – une petite bande de malfaiteurs élégants. Trois chevaliers du sexe et du livre enregistraient sa présence peu notable, à peine gênante, dans le sillage de leur frère, de leur ami, et aux positions détendues de leurs corps sur les banquettes – devant eux un serveur faisait flamber des chachliks -, elle devinait les sourires tournés vers cet homme qu'elle appelle Papa, quelle ne peut malgré les désagréments qu'il en éprouve appeler autrement que Papa."
Juliette est maigre, mal fagotée. Elle sent les regards sur elle en écoutant son père parler. Son père vit la nuit, édite des livres qui font scandale, séduit les femmes. Derrière tout cela des secrets difficiles à comprendre, que Juliette affleure en regardant "Nuit et brouillard". Puis la petite fille devient une jeune fille, part retrouver son père à New York, où il a émigré pour cause de poursuites judiciaires en France, puis elle file sur la côte ouest et traverse la Californie. Elle a 17 ans, et quand elle rentre en France Mai 68 a sonné. C'est le temps pour elle d'une nouvelle naissance.
Se libérer du passé
Pour écrire ce livre, Juliette Kahane exhume les archives de son père. Elle lit aussi pour la première fois son autobiographie, "Une journée sur la terre", une fouille archéologique dans le passé et l'histoire d'une famille. Juliette Kahane revient sur les secrets de famille du côté du père, sur l'histoire d'amour de ses parents et l'inconstance de son père, figure complexe et ambiguë ce "Prince of porn", "Lénine de la Révolution sexuelle", défenseur de la liberté contre la censure mais aussi personnage trouble pendant la seconde guerre mondiale et sur sa mère, qui s'enferme inexorablement dans la mélancolie.
Juliette Kahane fait le récit de sa propre vie et évoque les difficultés à s'arracher au capharnaüm de l'enfance pour trouver enfin son chemin, tout cela avec en toile de fonds le monde qui bouge. Car en faisant le récit de sa propre vie, la romancière balaie toute la deuxième partie du XXe siècle : la deuxième guerre mondiale et ses hontes, la société d'après-guerre, où l'on était poursuivi par la justice quand on publiait des livres contraires à la morale, où l'avortement n'était pas encore autorisé… Puis les frémissements de Mai 68 et la parole qui se libère. Bref, "Une fille" est l'histoire d'un destin un peu à part, qui épouse les grands mouvements du monde et de la société française après la seconde guerre mondiale. Une fille Juliette Kahane (L'Olivier – 173 pages – 16,50 euros)
Extrait :
"Quelque chose, dans leurs yeux, venait de dérailler.
Ils les regardaient approcher de la table, les regardaient du coin de l'œil lui et ce qui arrivait avec lui, Tiens Girodias sort une de ses filles ce soir, sans cesser de parler entre eux – une petite bande de malfaiteurs élégants. Trois chevaliers du sexe et du livre enregistraient sa présence peu notable, à peine gênante, dans le sillage de leur frère, de leur ami, et aux positions détendues de leurs corps sur les banquettes – devant eux un serveur faisait flamber des chachliks -, elle devinait les sourires tournés vers cet homme qu'elle appelle Papa, quelle ne peut malgré les désagréments qu'il en éprouve appeler autrement que Papa."
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