Une édition critique de "Robinson Crusoé" de Daniel Defoe arrive dans la Pléiade
Le volume de la Pléiade (1.040 pages, 47 euros), à paraître jeudi 1er novembre, reprend non seulement l'histoire du Robinson naufragé mais également la seconde partie du roman, écrite dans la foulée et moins connue des lecteurs francophones. C'est la première édition critique en français des deux parties de "Robinson Crusoé".
Article rédigé par franceinfo
- franceinfo Culture (avec AFP)
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Une nouvelle édition de "Robinson Crusoé" à la Pléiade arrive dans les librairies le 1er novembre. En 1959, la prestigieuse collection de Gallimard avait déjà publié un volume consacré à Daniel Defoe dans lequel se trouvaient les aventures de Robinson Crusoé. Par rapport à cette édition quelques modifications ont été apportées notamment dans la traduction, pour qu'elle soit la plus fidèle possible à l'original anglais.
Présenté dans la traduction établie par Pétrus Borel en 1836, le volume est accompagné des 150 gravures que l'artiste suisse François Aimé Louis Dumoulin (1753-1834) avait réalisées à partir du roman. Un dossier iconographique retrace par ailleurs deux cents ans d'illustrations, depuis le frontispice de l'édition originale (1719) jusqu'aux chefs-d'oeuvre de l'artiste américain N.C. Wyeth (1862-1945). Au total, 209 images illustrent le volume.
Première édition critique en français de "Robinson Crusoé"
Surtout, et c'est la grande nouveauté de cette édition, l'appareil critique a été entièrement revu : il s'agit de la première édition critique en français des deux parties de Robinson Crusoé. Une édition qui n'élude pas par exemple la douloureuse question de l'esclavage. "Au moment où paraît le roman de Defoe, l'esclavage à un long avenir devant lui puisqu'il sera encore pratiqué dans les colonies britanniques pendant plus d'un siècle, jusqu'en 1833", rappelle l'universitaire Baudouin Millet, qui a dirigé l'édition. Dans le roman, Robinson est un temps esclave lui-même après avoir été capturé par des corsaires maures. Mais son sort n'est pas des plus inhumains. Une fois redevenu libre et à la tête de sa plantation prospère du Brésil, Robinson n'éprouve aucun scrupule à s'embarquer pour les côtes de Guinée pour faire à son tour provision d'esclaves. Tout le monde se rappelle comment Robinson assujettit Vendredi après avoir échoué sur son île.
Baudouin Millet revient sur les relectures du roman par des romanciers contemporains comme Michel Tournier qui prend Vendredi pour héros dans "Vendredi ou les Limbes du Pacifique" ou le Sud-Africain J.M. Coetzee dans "Foe", où Vendredi, affreusement mutilé, est la terrible victime de la barbarie esclavagiste.
L'universitaire cite également l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, auteur de "L'empreinte à Crusoé" où le narrateur qui ressemble à Robinson n'est pas celui que l'on croit. "En tout état de cause, ces réécritures, si diverses soient-elles, partent chacune de l'amer constat que dresse Patrick Chamoiseau : c'est triste, le Robinson de Defoe était un négrier", explique Baudouin Millet.
Un roman écrit sous couvert d'anonymat
Comme le rappelle la nouvelle édition de la Pléiade, quand Defoe publia son roman à Londres en 1719, il le fit sous couvert de l'anonymat. Le livre "Vie et aventures de Robinson Crusoé", héros ayant passé 28 ans sur une île déserte (ou presque), connaît un succès de librairie immédiat, les quatre premières éditions s'arrachent en quelques semaines.
Mais le succès ne change rien à l'affaire. Defoe, alors âgé de 59 ans, ne veut pas qu'on lui attribue la paternité de ce livre censé être écrit par Robinson Crusoé lui-même. "Non seulement Defoe ne passe pas pour romancier, mais il ne tient manifestement pas à être perçu comme tel", résume Baudoin Millet dans sa préface. De fait, souligne-t-il, Daniel Defoe n'a revendiqué aucun de ses romans. Le nom véritable de l'auteur de Robinson n'est connu de son vivant que de quelques rares contemporains.
Ce n'est qu'en 1781, cinquante ans après la mort de Defoe, que son nom apparaît sur la page de titre d'une édition anglaise de Robinson Crusoé. "Cet anonymat est d'autant plus significatif qu'il contraint Defoe à renoncer à tirer parti de ses succès", explique Baudouin Millet. Pour nombre de romanciers anglais du XVIIIe siècle, l'anonymat n'était pas exceptionnel. Il s'agissait, affirme l'universitaire, de "ne pas déchoir aux yeux du public en associant leur nom à des histoires réputées futiles". Mais peu d'écrivains se seront montrés aussi intransigeants sur cette question que Daniel Defoe. "Aucun romancier anglais n'aura poussé aussi loin la pratique de l'anonymat", soutient Baudouin Millet.
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