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Un cadavre sur les bras ? C'est "Le cœur du problème" de Christian Oster
Christian Oster publie "Le cœur du problème" (L'Olivier"), un 17e roman qui raconte les errances d'un mari que sa femme a quitté en lui laissant un cadavre sur les bras. Humour noir servi par l'écriture impeccable de l'auteur de "Mon grand appartement" (Minuit, prix Médicis en 1999) et de "Une femme de ménage" (Minuit, 2001, adapté au cinéma par Claude Berri).
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L'histoire : Campagne normande. Un jour qu'il rentre à la maison après une journée pénible, Simon découvre dans son salon un cadavre. Il semble que l'homme soit tombé de la mezzanine, poussé par sa femme. Simon la trouve dans son bain. Elle ne dit rien, ou presque, puis prépare sa valise avant de quitter la maison. Simon se retrouve donc seul, avec un cadavre sur les bras. Plus tard, lors d'une visite à la gendarmerie, Simon rencontre Henri, un gendarme à la retraite, avec qui il se lie…
L'histoire de ce roman le range dans la catégorie des polars, mais ce serait ôter à ce roman toute sa singularité de l'étiqueter ainsi. "Le cœur du problème" est avant tout un objet littéraire qui retient l'attention du lecteur par sa forme, par son style : un long monologue, fait de détails et d'impressions. A la manière d'un compte rendu de police, le narrateur récense à la première personne tous les détails de l'affaire : description des lieux, des circonstances, des personnages. Il relate les événements, les décrit chronologiquement, méticuleusement, et consigne aussi ses réactions, ses impressions, ses angoisses, ses questionnements. Tout est relaté. De manière clinique.
L'autre avantage de cette écriture : installer un climat de tension. Toute la dramaturgie est placée hors du champ du récit, le suspense entre les lignes. Comme si le narrateur occupait son angoisse en se concentrant sur des détails, impuissant à regarder en face le "cœur du problème". Le style détaché introduit aussi une dimension humoristique, un brin britannique, qui ne gâche en rien le plaisir de lecture de ce roman étonnant.
Le cœur du problème Christian Oster (L'Olivier – 188 pages – 17 euros)
Extrait :
"Pour dire les choses vite, quand je suis rentré chez moi ce soir de juillet, il y avait un homme mort dans le salon. Pour les dire plus précisément, l’homme était allongé sur le ventre, à l’aplomb de la mezzanine où nous avions notre chambre, Diane et moi, et dont j’ai vu que la balustrade avait cédé. Nous devions depuis longtemps renforcer cette balustrade, qui commençait à présenter du jeu. Je sortais d’un rendez-vous de travail particulièrement improductif et j’étais plutôt de mauvaise humeur, si bien que ma première réaction a été une forme d’agacement, un peu comme si je venais de trouver le salon en désordre ou, pour être plus juste, comme si ce qui ressortait de ce que j’avais découvert avait prioritairement à voir avec le désagrément. J’ai rapidement pris conscience que l’homme était mort, du moins après l’avoir vérifié comme j’ai pu, palpation du pouls, test du miroir, constat d’un début de rigidité, mais l’agacement a persisté alors même que je me rendais compte de la gravité de la situation. Je tentais de me représenter, au-delà de cet écueil psychologique, les faits avec la plus grande objectivité, et je me suis mis en devoir, alors que je n’y parvenais pas encore, de les aborder de manière efficiente."
L'histoire de ce roman le range dans la catégorie des polars, mais ce serait ôter à ce roman toute sa singularité de l'étiqueter ainsi. "Le cœur du problème" est avant tout un objet littéraire qui retient l'attention du lecteur par sa forme, par son style : un long monologue, fait de détails et d'impressions. A la manière d'un compte rendu de police, le narrateur récense à la première personne tous les détails de l'affaire : description des lieux, des circonstances, des personnages. Il relate les événements, les décrit chronologiquement, méticuleusement, et consigne aussi ses réactions, ses impressions, ses angoisses, ses questionnements. Tout est relaté. De manière clinique.
Christian Oster : un style
Cette forme d'écriture donne au roman un ton à la fois singulier et juste. On ne quitte pas le "Je". Même les dialogues sont restitués à la forme indirecte. Le lecteur est donc placé dans une proximité complète avec le héros. Et pourtant le ton, impassible, installe une distance et donne l'impression que le narrateur n'est pas lui-même, que les événements qu'il raconte concernent quelqu'un d'autre. Christian Oster a trouvé une forme qui exprime parfaitement la sidération de Simon, mis en présence d'un événement extraordinaire et traumatisant. Simon n'est plus lui-même. Il se regarde comme un étranger.L'autre avantage de cette écriture : installer un climat de tension. Toute la dramaturgie est placée hors du champ du récit, le suspense entre les lignes. Comme si le narrateur occupait son angoisse en se concentrant sur des détails, impuissant à regarder en face le "cœur du problème". Le style détaché introduit aussi une dimension humoristique, un brin britannique, qui ne gâche en rien le plaisir de lecture de ce roman étonnant.
Le cœur du problème Christian Oster (L'Olivier – 188 pages – 17 euros)
Extrait :
"Pour dire les choses vite, quand je suis rentré chez moi ce soir de juillet, il y avait un homme mort dans le salon. Pour les dire plus précisément, l’homme était allongé sur le ventre, à l’aplomb de la mezzanine où nous avions notre chambre, Diane et moi, et dont j’ai vu que la balustrade avait cédé. Nous devions depuis longtemps renforcer cette balustrade, qui commençait à présenter du jeu. Je sortais d’un rendez-vous de travail particulièrement improductif et j’étais plutôt de mauvaise humeur, si bien que ma première réaction a été une forme d’agacement, un peu comme si je venais de trouver le salon en désordre ou, pour être plus juste, comme si ce qui ressortait de ce que j’avais découvert avait prioritairement à voir avec le désagrément. J’ai rapidement pris conscience que l’homme était mort, du moins après l’avoir vérifié comme j’ai pu, palpation du pouls, test du miroir, constat d’un début de rigidité, mais l’agacement a persisté alors même que je me rendais compte de la gravité de la situation. Je tentais de me représenter, au-delà de cet écueil psychologique, les faits avec la plus grande objectivité, et je me suis mis en devoir, alors que je n’y parvenais pas encore, de les aborder de manière efficiente."
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