Selma galope dans une Algérie à feu et à sang dans "Bientôt les vivants", un livre de résilience d’Amina Damerdji

Amina Damerdji narre la décennie noire à travers une famille aisée francophone et particulièrement par les yeux de la jeune Selma.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Portrait d'Amina Damerdji, autrice de "Bientôt les vivants" (Francesca Mantovani © Gallimard)

Comment raconter l’Algérie de la décennie noire, ou plutôt rouge sang ? Dans les années 1990, entre 100 000 et 200 000 personnes (il n’y a aucun bilan officiel, ce qui explique cet important écart) ont trouvé la mort dans la guerre civile. La littérature s’est emparée assez tôt de ce pan sanglant de l’histoire contemporaine de l’Algérie. Yasmina Khadra, Anouar Benmalek ou encore Boualem Sansal ont ouvert la voie avec des romans bouleversants.

Avec Bientôt les vivants (éditions Gallimard) Amina Damerdji, elle, choisit de narrer l’inénarrable à travers une famille aisée francophone et particulièrement par les yeux de la jeune Selma. Le roman s’ouvre par un massacre glaçant en 1997. Des islamistes armés attaquent un village. Une petite fille assiste, impuissante, muette de sidération, à l’assassinat de son père. Amina Damerdji nous restitue, avec des phrases percutantes, un moment insoutenable dans un lieu abandonné par les hommes et les dieux. "Aïcha courut à travers le village. Ses jambes tremblaient et son cœur battait si fort qu’il semblait vouloir sortir de sa poitrine. Elle connaissait le mot, dhabahine, les égorgeurs. Dhabahine, dhabahine !". 

Les chasseurs de lumière

Amina Damerdji remonte au 5 octobre 1988 lorsque l’armée sort les chars contre une jeunesse qui revendique de meilleures conditions de vie et la liberté d’expression. Les émeutes sont réprimées dans le sang. De ce premier Printemps arabe (même s’il s’est déroulé pendant l’automne) éclôt la démocratie. Elle se voit de suite muselée par le parti unique et condamnée par l’islamisme, la jugeant illicite. C'est dans cet univers que grandit Selma, un monde où les adversaires d'hier sont devenus les ennemis d'aujourd'hui, un monde qui broie les rêves et les vies. Évidence : Amina Damerdji sait de quoi elle parle.

Selma, donc. Elle n’a qu’une passion : l’équitation. La jeune lycéenne se réfugie dans son centre hippique et s’occupe d’un cheval récalcitrant, craint par tout le monde. Comme toutes les familles algériennes, aisées ou pauvres, celle de Selma n’échappe pas aux contradictions qui ébranlent la société. Son oncle rejoint les islamistes, son père est résolument contre les religieux, son amoureux subit de fortes pressions et fait des choix radicaux. L'environnement de Selma devient un champ de bataille où toutes les haines s’expriment sans retenue. Alors, Selma galope. Elle lâche la bride pour fuir un présent empli de colère, de rage et de morts. L’Algérie plonge dans le chaos, Selma tente de survivre.

Porté par ce personnage, l’ouvrage cite de nombreuses figures historiques, ce qui pourrait désorienter les lecteurs non avertis. Bientôt les vivants est un livre de résilience. 

"Bientôt les vivants", Amina Damerdji, éditions Gallimard, 21,50 euros

Couverture du livre "Bientôt les vivants" d'Amina Damerdji. (Editions Gallimard)

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