Première interview de Houellebecq: "un parti musulman est une idée qui s'impose"
Depuis des semaines, critiques littéraires et intellectuels s'interrogeaient sur le nouveau livre de l'écrivain français vivant le plus connu à l'étranger. Nouvelle provocation ? Fable ironique ? Premier ou deuxième degré ? Prédiction de ce qui menacerait la France ? Islamophobie récurrente de celui qui avait déclaré en 2001 "la religion la plus con, c'est quand même l'islam" ?
Ce roman "restera comme une date dans l'histoire des idées, qui marquera l'irruption -ou le retour- des thèses de l'extrême droite dans la haute littérature". Le livre "adoube les idées du FN, ou bien celles d'Eric Zemmour, au coeur de l'élite intellectuelle", écrivait samedi le directeur de Libération, Laurent Joffrin.
Pour le philosophe Alain Finkielkraut au contraire, Houellebecq "a les yeux ouverts et ne se laisse pas intimider par le politiquement correct". Il décrit "un avenir qui n'est pas certain mais qui est plausible".
"Je procède à une accélération de l'Histoire mais, non, je ne peux pas dire que c'est une provocation dans la mesure où je ne dis pas de choses que je pense foncièrement fausses, juste pour énerver. Je condense une évolution à mon avis vraisemblable", assure Houellebecq dans cette longue interview menée par le journaliste de France Culture Sylvain Bourmeau, parue samedi en anglais dans la revue littéraire trimestrielle américaine Paris Review, interview publiée également dans le journal allemand Die Welt.
Il s'agit du premier entretien accordé par l'auteur au sujet de "Soumission", son 6e roman à paraître mercredi chez Flammarion. A supposer que "les musulmans réussissent à s'entendre entre eux (...), cela prendrait certainement des dizaines d'années" pour qu'ils accèdent au pouvoir en France, concède l'auteur.
Houellebecq reconnaît jouer sur la peur
Ayant longtemps vécu en Irlande, Houellebecq se dit frappé "des énormes changements" constatés en France et en Occident. "C'est l'une des raisons qui m'ont conduit à écrire" ce livre, explique-t-il. Ce livre est-il une satire? "Non. Très partiellement, c'est une satire des journalistes politiques tout au plus, un petit peu des hommes politiques aussi à vrai dire. Les personnages principaux, non."
Mais, Houellebecq reconnaît jouer sur la peur. "J'utilise le fait de faire peur. En fait, on ne sait pas bien de quoi on a peur, si c'est des identitaires ou des musulmans. Tout reste dans l'ombre." "J'ai essayé de me mettre à la place d'un musulman, et je me suis rendu compte qu'ils étaient en réalité dans une situation totalement schizophrénique", poursuit Houellebecq.
"Que peut bien faire un musulman qui veut voter ? Il n'est pas représenté du tout. Il serait faux de dire que c'est une religion qui n'a pas de conséquences politiques (...). Donc, à mon avis un parti musulman est une idée qui s'impose", estime-t-il.
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