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"Par les routes", la critique du roman de Sylvain Prudhomme qui remporte le prix Femina 2019

Sylvain Prudhomme, né en 1979, livre là un beau livre impressionniste sur le temps qui passe, d’une écriture sans fioriture, simple et légère.

Article rédigé par franceinfo Culture - Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Sylvain Prudhomme prix Femina 2019 pour son roman "Par les routes" (5 novembre 2019) (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Par les routes (Collection L’arbalète/Gallimard), le dernier roman de Sylvain Prudhomme, paru à la rentrée, Prix Landerneau des lecteurs est en lice pour le Prix Fémina, qui dévoilera son lauréat le 5 novembre.

Ce nouveau roman raconte l’histoire d’un écrivain en rupture de ban, d’un de ses amis et de la famille de ce dernier. Sacha, bientôt 40 ans, célibataire et sans enfant, a quitté Paris pour V. (le nom restera une simple lettre), une ville du Sud-Est, pour y "entamer une nouvelle vie". "De toutes mes forces, je souhaitais changer d’air. Destruction, reconstruction : c’était mon programme pour les jours et peut-être pour les années à venir".

"J’avais eu envie de ce calme. Il m’avait semblé qu’à V. je saurais retrouver la concentration, l’ascèse qui depuis des années me manquaient. La juste dose d’isolement qui me permettait enfin de me ramasser, de me reprendre, peut-être de renaître".

"Je suis arrivé à la gare de V. vers midi, muni en tout et pour tout de deux sacs remplis de livres et de vêtements. Il faisait beau, c’était le début du mois de septembre. Les platanes commençaient à perdre leurs feuilles. Elles se détachaient une à une, tombaient comme de grands copeaux de bois, touchaient le sol avec un raclement sonore. Crissaient ensuite contre le bitume à chaque coup de vent".

Retrouvailles

Le décor est posé. De fil en aiguille, il va retrouver un ami qu’il n’a plus vu depuis 20 ans, depuis qu’étudiants, ils habitaient ensemble. Un ami avec qui il a beaucoup voyagé en auto-stop. Et qu’il n’appelle que "l’autostoppeur", sans jamais donner son nom...

Par la suite, ils s’étaient perdus de vue parce que sans qu’on sache pourquoi, Sacha lui avait demandé de sortir de sa vie. L’autostoppeur a à peine changé, il a juste un peu vieilli. Il vit de bric et de broc, de bricolage par çi-par là. Mais surtout, il semble ne pas pouvoir ou vouloir se fixer. Il lui faut partir, en auto-stop justement, pour de longues randonnées à travers la France. Il y fait de belles rencontres, avec des personnes de tous âges et de toutes conditions sociales.

L’autostoppeur vit avec Marie, qui travaille comme traductrice indépendante de livres de littérature italienne. Il y a aussi Agustin (bien Agustin et non Augustin), leur fils, enfant vivant, intelligent, tout en subtilité, qui devine le monde des adultes sans rien laisser paraître.

Absences

Avec les absences de plus en plus fréquentes de l’autostoppeur, Sacha va peu à peu s’intégrer à la famille… L’autostoppeur parti "par les routes", à la découverte de telle ou telle région. Parti sur la route, un peu comme le titre du livre de l’Américain Jack Kérouac. Il envoie des cartes postales à sa famille et à son ami, qui voyagent ainsi avec lui à distance.

Mais chez l’autostoppeur, cette vie est aussi une fuite. Une manière, peut-être, de ne pas voir le temps qui passe. Il s’éloigne ainsi de sa compagne et de son enfant, ce dont il a tout à fait conscience...

On n’en racontera pas plus, et encore moins la fin très inattendue. Il faut lire le roman ! Par les routes est un beau livre, un peu impressionniste, tout en fluidité. Comme son écriture, simple, sans fioritures. Légère. C’est un livre d’atmosphères, de sentiments. Comme quand Marie explique à Agustin que son père ne reviendra pas. "Ils sont restés tous les deux dans le jardin. Agustin frappant dans le ballon pendant que Marie parlait. Frappant toujours plus fort à mesure qu’il comprenait. Posant des questions dont ne me parvenaient que des bribes. Et moi est-ce que j’irai le voir. Et moi j’habiterai où. Puis se murant dans le silence. Ne disant plus rien. Refusant de montrer le moindre signe d’émotion."

Les mots jouent dans le livre un rôle essentiel. Ceux des traductions littéraires de Marie, des cartes postales de l’autostoppeur. Il y a aussi les mots de la musique et de la poésie. Comme ceux de la chanson de Léonard Cohen, Famous Blue Raincoat. Où Sylvain Prudhomme montre comment une chanson, en apparence simple, colle magnifiquement à la vie.

Couverture de "Par les routes", de Sylvain Prudhomme (2019) (Gallimard / L'arbalète)

Par les routes, de Sylvain Prudhomme
(Gallimard - L'Arbalète- 295 pages - 19 €)

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