Pablo Neruda assassiné ? Nouvelles analyses par des experts internationaux
Selon le certificat de décès rédigé par la junte militaire (1973-1990), le poète est mort d'un cancer de la prostate. Mais selon son chauffeur de l'époque, Manuel Araya, il a succombé à une injection faite la veille de son départ pour le Mexique, où il comptait s'exiler pour y diriger l'opposition au général Pinochet.
Après une longue bataille judiciaire, l'exhumation des restes de Pablo Neruda avait eu lieu en 2013 à Isla Negra, sur la côte centrale du Chili, dernier lieu de résidence du poète, où il était enterré. Depuis, les analyses se succèdent, sans apporter de réponse définitive.
La signature du chimiste de la police secrète
Dans les prochains jours, ses restes seront envoyés à un groupe international de 13 experts, qui tenteront à nouveau de déterminer ce qui a tué cet écrivain communiste, engagé, diplomate et éternel amoureux, lauréat en 1971 du prix Nobel de littérature. En octobre, ces spécialistes chiliens, espagnols, américains, canadiens et danois se sont réunis pendant huit jours pour analyser le rapport du dernier examen effectué, en mai par une équipe espagnole, qui avait révélé la présence massive de bactéries, des staphylocoques dorés.Ces dernières "étaient l'élément utilisé habituellement par Eugenio Berrios (le chimiste de la police secrète de Pinochet, chargé de concevoir des armes chimiques, ndlr) et cette souche en particulier ne fait pas partie de celles ayant pu exister à cette époque à l'hôpital" de Santiago où se trouvait Neruda, affirme l'avocat du Parti communiste, Eduardo Contreras. "Des laboratoires de plusieurs pays doivent maintenant déterminer l'ADN de ce staphylocoque doré pour vérifier s'il résulte d'une contamination au moment d'exhumer et de manipuler les restes ou au contraire, comme on le présume, s'il s'agissait d'une substance préparée spécialement pour assassiner Neruda", ajoute-t-il. Les résultats seront connus en mars 2016.
"Je pars au Mexique, camarade, et là-bas je vais demander l'aide du monde pour faire tomber Pinochet"
L'hypothèse d'un assassinat du poète est apparue en 2011, après les révélations de Manuel Araya, qui était à la fois le chauffeur et l'assistant personnel de Pablo Neruda, sur la mystérieuse injection. "Neruda a été assassiné", affirmait M. Araya à l'AFP en 2013. Une enquête judiciaire avait alors été ouverte, tandis que d'autres témoignages venaient semer le doute en assurant que Pablo Neruda était en forme jusqu'à la fameuse injection, et qu'un avion fourni par le gouvernement mexicain l'attendait justement pour le transporter au Mexique et y jouer le rôle de chef de l'opposition."Neruda m'avait dit : je pars au Mexique, camarade, et là-bas je vais demander l'aide du monde pour faire tomber Pinochet. En trois mois je vais le faire chuter. Je vais demander l'aide des gouvernements, des intellectuels", a raconté Manuel Araya.
La mort en 1982, dans la même clinique, de l'ex-président Eduardo Frei (1964-1970), venu pour une opération de routine et qui pourrait avoir été empoisonné, a renforcé la thèse d'un assassinat de Neruda. Mais, même si les technologies sont beaucoup plus avancées aujourd'hui, le temps a passé et les conditions dans lesquelles le corps avait été enterré - en bordure de mer - pourraient empêcher de jamais connaître les causes de sa mort.
Assassinat "hautement probable", a reconnu le gouvernement chilien
"L'idée d'une participation de tiers (à son décès) est plus que prouvée, mais on pourrait arriver au paradoxe qu'en dépit de l'existence de milliers d'autres preuves, nous ne puissions pas, en raison du temps passé, prouver que ce staphylocoque a été inoculé sur ordre de la dictature", s'inquiète Eduardo Contreras. "Moi, je suis convaincu qu'ils l'ont tué, mais je suis aussi convaincu de ne pas être sûr qu'on puisse le prouver", dit-il.Les proches de Neruda se veulent, eux, confiants sur les résultats des analyses. "Pour ma famille, c'est très important que l'on connaisse la vérité et je crois que nous allons y arriver", assure Rodolfo Reyes, neveu du poète, soulignant que "c'est un cas révolutionnaire du point de vue scientifique".
Le gouvernement chilien a reconnu pour la première fois que Pablo Neruda pourrait avoir été assassiné par le régime de Pinochet. "Il est possible, et même hautement probable, que l'intervention d'un tiers" soit responsable de la mort du Prix Nobel de littérature, indiquait récemment un document du ministère de l'Intérieur cité par le Guardian.
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