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"Mon mari" : l'amour conjugal en version trash dans un premier roman signé Maud Ventura

"Mon mari",  premier roman de Maud Ventura, 28 ans, connue pour son podcast sur l'amour, décrit avec humour la difficile conjugaison de la passion amoureuse avec la vie conjugale.

Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La romancière et animatrice de radio Maud Ventura, août 2021 (Céline Nieszawer /Leextra/L'Iconoclaste)

Animatrice  d'un podcast sur l'amour, Lalala, Maud Ventura, publie un premier roman qui raconte l'histoire d'une femme mariée toujours folle d'amour pour son époux après quinze ans de mariage. Mon mari, paru aux éditions de l'Iconoclaste le 19 août, est dans la première sélection du prix Médicis.

L'histoire : la narratrice, belle, un beau mari, une belle maison, deux beaux enfants, aime son époux. Après quinze ans de mariage, elle brûle toujours d'amour pour celui qu'elle ne se lasse pas d'appeler "mon mari". Tout dans son quotidien tend vers cette seule obsession : garder intacte la flamme des premiers jours. La quadragénaire déploie toute son énergie à être une épouse parfaite et scrute au quotidien le moindre mouvement de son mari.

Une porte ouverte trop vite, un baiser trop rapide, un regard un peu trop insistant posé sur une serveuse… Chacun de ses gestes est pour elle sujet à interprétation, un motif d'angoisse. Son mari l'aime-t-il toujours ? Lui est-il fidèle ? Est-elle à la hauteur ? Ces questions ne cessent de la hanter, et la démangent, au sens propre comme au figuré. Ainsi elle se gratte et consigne dans des petits carnets tout ce qu'elle observe, ainsi que les châtiments qu'elle a décidé d'infliger à son mari pour le punir de ce qu'elle considère comme des manquements à l'amour qu'elle attend de lui…

Courrier du cœur

"Je sais à quel point l'admiration est importante dans un couple", dit Soraya dans un épisode de Lalala, le courrier du cœur version podcast animé par Maud Ventura sur NRJ. Une mine, on imagine, pour la jeune écrivaine de 28 ans, qui joue avec ce motif pour construire son premier roman. Sous l'apparence d'un énième article de presse féminine vendant les meilleures recettes pour garder son homme, Maud Ventura livre en réalité un roman tendu, acide et ironique sur le sentiment amoureux, dépeint comme une véritable aliénation.

"Une fois les enfants couchés, je regarde un moment la télévision, mais je ne vois que des femmes qui attendent, comme moi. Elles mangent un yaourt, conduisent une voiture ou se parfument, mais ce qui saute aux yeux, c'est ce qui se passe hors cadre : ce sont toutes des femmes qui attendent un homme. Elles sont souriantes, elles ont l'air actives et occupées, mais en réalité, elles tournent en rond. Je me demande si je suis la seule à percevoir cette salle d'attente universelle."

Maud Ventura

"Mon mari", page 26

Le mari est dessiné sans prénom, réduit à sa simple fonction d'objet de la passion, et la narratrice elle-même sujette à un complexe d'infériorité indécrottable, que l'issue du roman, hélas, ne contredit pas. L'origine sociale de la narratrice, moins élevée que celle du mari, accentue ce sentiment d'illégitimité, qu'elle tente de camoufler en observant, en mimant son entourage ou en puisant son inspiration dans les grands modèles d'amoureuses de la littérature. Phèdre, pas moins. Elle est professeur d'anglais et traductrice, mais son émancipation semble s'être arrêtée à la porte de ses relations amoureuses.

Le récit, à la première personne, s'étale du lundi au dimanche d'une semaine qui paraît interminable, le temps se dilatant sous l'effet de la focalisation amoureuse de l'épouse éprise. L'écriture est simple, descriptive, minutieuse, linéaire, à l'image de l'esprit en casiers de la narratrice, qui observe, calcule, analyse, consigne, contrôle. Une obsessionnelle, qui ne laisse place à rien d'autre qu'à sa monomanie, pas même à ses propres enfants, et tout compte fait, aucune place non plus à l'amour, laissant tout l'espace au jeu de la séduction, dont on ne sait pas, finalement, qui tire véritablement les ficelles.

On rit, mais on rit jaune à la lecture de ce premier roman, dont la chute, aussi fugace que vertigineuse, boucle la boucle.

Couverture de "Mon mari", de Maud Ventura, paru le 19 août 2021 (L'ICONOCLASTE)

"Mon mari", de Maud Ventura (L'Iconoclaste, 364 pages, 19 €)

Extrait :

"Mon mari considère donc que son meilleur ami est marié à un ananas, tandis qu'il a épousé une clémentine. Il vit avec un fruit d'hiver, un fruit banal et pas cher. Un petit fruit ordinaire qui n'a ni la gourmandise de l'orange, ni l'originalité du pamplemousse. Un fruit ordonné en quartiers, pratique et facile à manger, prédécoupé, prêt à l'emploi, fourni dans son emballage." ("Mon mari", page 83)

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