"Le Nom sur le mur", dernier livre d'Hervé Le Tellier : un récit sobre et touchant sur la vie d'un jeune maquisard
Loin des envolées philosophiques et scientifiques de L'Anomalie, roman publié en 2020 et deuxième Prix Goncourt le plus vendu de l'histoire, Hervé le Tellier signe son retour avec Le Nom sur le mur, publié aux éditions Gallimard le 18 avril dernier. L'auteur plonge dans la vie d'un jeune résistant, mort, comme les plaques commémoratives le rappellent, pour la France.
L'Histoire : Quelque part dans la Drôme Provençale, le narrateur qui n'est autre que l'auteur, achète une maison dont il souhaite faire "sa maison natale". Sur un des murs de la bâtisse est gravé le nom "André Chaix". Écrit tout en majuscule, ce patronyme n'est qu'une inscription comme une autre. Jusqu'au jour où Hervé Le Tellier le retrouve sur un monument aux morts. Il cherche alors à reconstituer la vie de ce jeune homme dont il sait peu de choses. André Chaix est né en mai 1924 et mort en août 1944. Tout le reste est à retracer.
Récit documentaire
À partir d'une petite boîte remise par la famille d'André Chaix aux archives, l'auteur remonte méthodiquement le fil. Photos à bords dentelés, lettres à sa fiancée, carte d'identité, certificat de travail, tract des Francs-tireurs et partisans, fume-cigarette : Hervé Le Tellier procède de manière documentaire et se refuse à toute fiction. Sorte d'enquête qui ne se fie qu'aux éléments tangibles, Le Nom sur le mur est une rencontre, un hommage à une figure inconnue, un tombeau poétique bricolé à l'aide "des poussières d'une vie".
Ces quelques archives, Hervé Le Tellier les introduit dans le récit. Le lecteur découvre non seulement la vie d'André Chaix, mais aussi sa calligraphie, sa manière de parler d'amour, son corps athlétique, et son visage, sa "tête d'acteur". Offerts au fil des pages, les documents matérialisent la vie du jeune résistant et manifestent, autour d'une écriture dépouillée, une véritable émotion. Car tout en étant une enquête rigoureuse, Le Nom sur le mur est un récit sensible, parfois personnel. Le récit d'André Chaix rencontre le vécu du narrateur. Il permet aussi de traverser avec un prisme plus humain les événements racontés par Hervé Le Tellier, des glissements d'époques et de regard toujours choisis avec justesse.
Un texte antifasciste
Hervé Le Tellier fait dialoguer les archives et des éléments intimes avec des analyses historiques et sociologiques. L'auteur plonge dans l'histoire du nazisme et convoque une multitude d'anecdotes, allant parfois jusqu'à provoquer le rire, du cinéma allemand de la Seconde Guerre mondiale et son Titanic de propagande au ralliement militaire très zélé de certains citoyens qui avaient pourtant vécu à l'écart de l'embrigadement nazi. Hervé Le Tellier revient sur la naissance du Troisième Reich, évoque le terreau de ce régime et, dans un geste toujours sincère, fait le pont avec l'époque contemporaine.
Portrait d'une figure du passé, l'ouvrage est aussi un manifeste pour le présent. Ce récit aux multiples tons est éminemment politique, ancré dans l'actuel. "S'il est écrit sur les monuments aux morts qu'André, Célestin, et beaucoup d'autres, sont "morts pour la France", alors ces gens-là ont vécu contre elle, et ceux qui leur succèdent et perpétuent leurs obsessions aussi", énonce Hervé Le Tellier au sujet des anciens nazis français présents à la fondation de l'ancêtre du Rassemblement National. "Quatre-vingts années ont passé depuis sa mort. Mais à regarder le monde tel qu'il va, je ne doute pas qu'il faille toujours parler de l'Occupation, de la collaboration et du fascisme, rejet de l'autre jusqu'à la destruction", écrit encore l'auteur. Avec Le Nom sur le mur, Hervé Le Tellier signe un texte empreint d'une grande liberté, et, d'anecdotes en vagabondages, trace à son tour son engagement.
Extrait : "Sur la petite place du village, à côté de la boulangerie et à quelques mètres de chez moi, il y a un monument "à la mémoire des enfants de Montjoux morts pour la France". Les guerres sont loin, ces morts sont oubliés et en ces matins de l'étrange printemps 2020 où la pandémie avait suspendu le temps, j'ai dû passer devant vingt fois, chargé de pain et de croissants, indifférent et pressé. Un jour de mai, je crois, un nom a accroché mon regard : CHAIX ANDRÉ (mai 1924 - août I944). Les dates disaient tout : Chaix était un résistant, un maquisard sans doute, un jeune homme à la vie brève comme il y en eut beaucoup.
Je ne savais rien de lui, et plusieurs mois ont passé sans que je l'envisage comme sujet d'un livre possible. J'ai posé des questions, j'ai recueilli des fragments d'une mémoire collective, j'ai un peu appris qui il était. Dans cette enquête, beaucoup m'a été donné par chance, presque par miracle, et j'ai vite su que j'aimerais raconter André Chaix. Sans doute, toutes les vies sont romanesques. Certaines plus que d'autres." (Le Nom sur le mur, pages 13-14)
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