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"Le Cas Malaussène" de Daniel Pennac : 7 raisons d'un succès annoncé

En cette rentrée d'hiver 2017, c'est le roman que tout le monde attendait "Le cas Malaussène, tome I : Ils m'ont menti" (Gallimard), servi comme une offrande par Daniel Pennac, qui signe ainsi le retour des aventures de Benjamin Malaussène, ce personnage que des millions de lecteurs avaient adopté dès sa naissance romanesque en 1985 dans "Au bonheur des ogres".
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Daniel Pennac, le 8 janvier 2016
 ( Sarah ALCALAY/Sipa)

Benjamin Malaussène... On n'avait plus eu de ses nouvelles depuis 1999. C'était avec "Aux fruits de la passions", le 6e et dernier épisode de la "Saga Malaussène". Gallimard a imprimé 120.000 exemplaires de ce nouvel opus. Voici en 7 points les raisons qui laissent penser que le premier volet de cette nouvelle saga (il y en aura trois), a toutes les chances de cartonner en librairie.

1
Une "Madeleine" (ça ne se refuse pas)
Parce que le "Cas Malaussène" est une promesse de "madeleine". Tous ceux qui ont dévoré les aventures de la "Saga Malaussène", commencée en 1985 avec "Le bonheur des ogres" auront naturellement la tentation de s'y replonger. 5,4 millions d'exemplaires vendus depuis la création du personnage, ça fait un paquet de lecteurs potentiels. Sans compter les nouvelles générations : les enfants des fans, plus tous ceux qui l'ont étudié à l'école. Le retour de Malaussène, c'est un peu comme le retour à la scène d'un vieux groupe de rock : on y va en famille ! 
2
Des personnages qui ont vieilli (comme nous, ça rassure)
La première série de la Saga Malaussène avait bien marché entre autres grâce à un casting de rêve. On les retrouve : notre bouc émissaire préféré, Malaussène, mais aussi Verdun, C'est Un Ange, Le Petit... Ils ont vieilli, se sont mariés, ont fait des études, ont eu des enfants. Comme nous. Pennac en dresse la liste à la fin du roman, histoire de nous rafraichir la mémoire et  on ressent cette sensation bizarre, mêlée d'appréhension et de plaisir, des retrouvailles sur Facebook avec un vieux copain d'enfance oublié depuis longtemps…  Et aussi : "Le cas Malaussène" nous fait faire de nouvelles rencontres, des personnages aussi folkloriques que ceux mis en scène dans la première série. Un nouveau décor aussi, dans lequel les réseaux sociaux ou le téléphone portable ont fait leur apparition, même si Malaussène n'y adhère pas avec excès d'enthousiasme, préférant se réfugier dans les contrées calmes du vercors.
3
Des histoires de familles (un bon moteur d'identification)
La saga Malaussène est avant tout une histoire de familles, de familles de toutes sortes. En cela Pennac avait du nez dès la première saga. Dans la série Malaussène des origines, la famille n'est déjà pas une image d'Epinal avec un papa, une maman et leurs enfants. C'est une famille qui s'invente et s'organise avec les moyens du bord.  Bref, un modèle de famille protéiforme, aujourd'hui très répandu dans la vraie vie. Dans ce nouvel épisode, Pennac creuse le sujet autour de la question du mensonge. "En famille, il n'y a de sacré que le mensonge, ce rempart contre la honte". Evidemment il force le trait en imaginant à quel point la révélation de la vérité dans le cercle familiale est dangereuse. Alceste l'écrivain de la "Vérité vraie" en fait les frais : tentative d'assassinat au cimetière, dont il échappe grâce à l'intervention musclée de ses deux anges gardiens, Ju et Bo.
4
Un polar (sans complexe)
Parce que ce nouvel opus est aussi rebondissant que les épisodes précédents. Pennac n'a pas perdu la main dans l'art du polar. Dès les premières pages de ce  "Cas Malaussène", le lecteur est harponné par l'intrigue, même si elle est complètement loufoque : l'enlèvement d'un grand patron marié au sosie de Claudia Cardinale dont les ravisseurs réclament au centime près le montant de son "parachute doré"… Et parallèlement, l'histoire d'un écrivain poursuivi par la vindicte familiale. Du polar noir et décalé. On n'est pas loin des "Tontons fligueurs".
5
Un regard gentiment moqueur sur le monde des lettres (entre autres)
Pennac met en scène Alceste, un écrivain assigné à résidence dans une forêt du Vercors, sous la surveillance de Malaussène, l'employé à tout faire des éditions du Tallion. Alceste est un écrivain "vévé". C'est comme ça que la Reine Zabo a baptisé les auteurs de la "Vérité vraie" (l'autofiction). Elle les a tous rachetés à ses concurrents un par un dans les années 90. Un "investissement rentable" : ce sont eux désormais qui "remplissent les caisses des Editions du Tallion". Après la Chute du mur de Berlin "l'étude des sociétés ne faisait plus recette. Basta, le rêve collectif ! Assez de chimères ! Assez de cadavres ! Si vérité il y a, c'est au cœur de l'expérience individuelle qu'elle se niche".

Mais Le cas Malaussène est aussi pretexte pour Pennac à redire son amour de la littérature, et de livrer sa conception du roman. A l'occasion, l'écrivain Alceste combat sa "tendance à l'universitarisme satisfait". "Ne plus jamais céder au prurit de l'entre-soi", précise-t-il. On retrouve dans "Le cas Malaussène" la méthode Pennac : glisser du fond et de la culture dans une trame accessible au plus grand nombre.
6
Un brin de révolte, une bonne dose de fantaisie
Pennac était un mauvais élève. Il l'a raconté dans "Chagrin d'école" (Gallimard - 2007). Il en a gardé un soupçon de révolte, qu'il distille (gentiment là encore). Une révolte qui vise les institutions ou toute forme d'autorité légitimée par l'ordre établi. Elle s'attaque aussi à la toute puissance de l'argent (ici le foot, là la finance et les parachutes dorés... ).  

On retrouve aussi dans ce "Cas Malaussène" la fantaisie d'une libre écriture, théâtrale, réservée à Malaussène, que l'auteur revendique 
7
Une suite annoncée (ça fait partie du plaisir)
Il n'y a qu'à voir le succès des séries, autant à la télé que dans les librairies ou dans les salles obscures, comme si la perspective de multiplier le plaisir décuplait le désir. Deux nouveaux tomes sont déjà annoncés...
 
"Le cas Malaussène , Tome I : Il m'ont menti", Daniel Pennac
(Gallimard - 307 pages - 21 €)

Daniel Pennac est l'invité de François Busnel ce jeudi 12 janvier dans  La Grande Librairie à 20h50.

Extrait :

Benjamin Malaussène...
Sous son sac à dos vide on dirait une vieille figue. Et ce chien... Cette horreur pestilentielle qu'avec un soupçon d'humanité il aurait fait piquer à la naissance...
Quand je pense qu'un type pareil a servi de modèle à un personnage de roman ! Et que pendant toute mon adolescence ce personnage a fédéré le bas monde de la lecture d'agrément ! La coqueluche de ces années-là ! Malaussène par-ci, Malaussène par-là, il n'y avait pas moyen d'y échapper. C'était le cadeau de touts les anniversaires. Les parents branchés en recommandaient la lecture aux professeurs. Quand Tobias et Mélimé ne me racontaient pas de mensonges sur l'histoire de notre famille, mes copains me bassinaient avec Malaussène, l'ineffable bouc émissaire."

"Le cas Malaussène", Daniel Pennac, page 38

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