La mort de Ray Bradbury, monstre sacré de la SF américaine
"Le monde a perdu l'un des plus grands écrivains que j'ai connus, et un des hommes les plus chers à mon coeur. Repose en paix Ray Bradbury", a déclaré sur son compte Twitter Danny Karapetian, petit-fils de la légende de la science-fiction.
Son oeuvre révélait un auteur inquiet de la survie spirituelle de l'humanité face au matérialisme de la société.
Il est notamment le père de classiques du genre comme "Fahrenheit 451" (1953) , inspiré par les autodafés nazis de livres écrits par des juifs et adapté au cinéma par François Truffaut en 1966, ou encore "Chroniques martiennes" (1950), sur les risques de déshumanisation face à l'avancée des sciences.
"Farenheit 451" de Truffaut, la bande annonce d'origine en anglais de 1966
Auteur prolifique (cinq cents nouvelles, une trentaine de romans, des contes, des poèmes), on lui doit aussi de nombreuses pièces de théâtre et des scénarios pour le cinéma, comme "Moby Dick" (1956) pour John Huston, mais aussi pour la télévision, notamment "La 4e dimension" et des épisodes de "Alfred Hitchcock présente".
"La chose la plus amusante dans ma vie, c'était de me réveiller chaque matin et de courir jusqu'à la machine à écrire parce que j'avais eu une nouvelle idée", se réjouissait-il en 2000.
"La Foire des Ténèbres" de Jack Clayton (1983) adapté de "Something Wicked This Way Comes" de Ray Bradbury "Les Etats-Unis devraient retourner sur la Lune et coloniser Mars", disait Ray Bradbury
"Le plus important est de consacrer son temps à devenir soi-même", estimait Ray Bradbury qui aimait à citer ses deux principes philosophiques de base: "To hell with it!" ("La barbe!") et "Fais ce que tu as à faire".
Interrogé sur son processus créatif, il répondait que "l'écriture s'apparente à un noyau de passion enrobé d'une coquille d'intelligence", celle-ci ne devant "servir qu'à s'assurer qu'on ne fait pas de grosses bêtises". "Dans la vie, comme dans l'écriture, il faut agir par passion: les gens voient que vous êtes honnête et vous pardonnent beaucoup", soulignait-il.
En 2010, dans un entretien accordé au Los Angeles Times, l'auteur réputé pour son franc-parler estimait que les Etats-Unis auraient bien besoin d'une "révolution", pour mettre fin au pouvoir trop important du "gouvernement".
Il affirmait également que les Etats-Unis devraient absolument "retourner sur la Lune": "Nous devrions aller sur la Lune et y installer une base, pour y lancer une fusée à destination de Mars, puis aller sur Mars et la coloniser".
Presque paradoxalement, il se révélait aussi dans cet entretien peu féru de technologie: "Nous avons trop de téléphones portables, trop d'internet. On devrait se débarrasser de ces machines, il y en a trop aujourd'hui", déclarait-il, se félicitant d'avoir refusé de faire publier ses livres sur des supports électroniques.
"Lorsque je suis né, en 1920, l'automobile n'avait que 20 ans", rappelait-il en 2000 au New York Times Magazine. “La radio n'existait pas. La télé n'existait pas. Je suis né au moment parfait pour écrire sur ces choses".
Extrait de "Chroniques Martiennes" Influencé très tôt par Edgar Allan Poe
Né le 22 août 1920 à Waukegan (Illinois, nord des Etats-Unis), Raymond Douglas Bradbury avait passé 10 mois et non 9 dans le ventre maternel, ce à quoi il attribuait sa mémoire exceptionnelle. Il découvre la littérature à l'âge de 7 ans avec Edgar Poe.
Fils d'un père technicien et d'une mère d'origine suédoise, il a 14 ans lorsque ses parents s'installent à Los Angeles. Il a 17 ans lorsque sa nouvelle "Script" est publiée dans une revue de science-fiction.
Après un recueil de nouvelles de terreur "Dark Carnival" (1947), il devient célèbre avec "Chroniques martiennes" ou encore "Fahrenheit 451", adapté au cinéma par François Truffaut en 1966.
C'est dans la bibliothèque de l'Université de Californie, racontait-il, qu'il a écrit "Fahrenheit 451", sur une machine à écrire dans laquelle il fallait introduire une pièce de monnaie.
En 1963-1964, il écrit "La foire des ténèbres" et ses premières pièces "Café irlandais" (1963), "Théâtre pour demain... et après" (1972), "La colonne de feu" (1975).
En 1986, après une interruption de 23 ans, Bradbury revient au roman avec "La solitude est un cercueil de verre", suivi notamment de "Fantôme
d'Hollywood" (1990) et "La baleine de Dublin" (1993).
Victime d'une attaque cérébrale en 1999, il est parvenu à reprendre son travail, dictant à sa fille "De la poussière à la chair" (2001). Plusieurs autres livres ont suivi comme "Les Garçons de l'été" (2002), "Il faut tuer Constance (2003).
Il a eu quatre filles avec sa femme Marguerite, décédée en 2003 après 56 ans de mariage.
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