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"La Maison en pierre" : Novuyo Rosa Tshuma regarde son pays, le Zimbabwe, dans les yeux

Avec une écriture dense, l'écrivaine zimbabwéenne nous entraîne dans une relation toxique d'une filiation forcée et dans un pays qui n'a connu que la violence comme moyen de gouvernance. Troublant.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Portrait de l'écrivaine Zimbabwéenne Novuyo Rosa Tshuma (Tribute Nyoni)

Que sont nos indépendances devenues ? Les héros d’hier sont-ils condamnés à devenir les bourreaux d’aujourd’hui ? L’indifférence est-elle complicité ? L’écrivaine zimbabwéenne Novuyo Rosa Tshuma regarde son pays au fond des yeux, avec amour et lucidité. La Maison en pierre (Actes Sud) est plus qu’un réquisitoire, un règlement de comptes avec l’ancienne génération qui s’est fourvoyée dans l’autoritarisme. Le livre troublant de Novuyo Rosa Tshuma questionne aussi l'intime, la filiation, ce besoin d'aimer et d'être aimé. 

Zamani, le locataire qui vous veut du bien

Pour son premier roman, Novuyo Rosa Tshuma interroge aussi la passivité, l’indifférence, d’une partie de la population qui a choisi l’aveuglement. Il ne faut pas oublier que Robert Mugabe, avant de devenir ce dictateur mégalomane qui a régné par la terreur pendant près de quarante ans sur le Zimbabwe ("maison de pierre" en shona, l’une des langues officielles du pays), était ce héros qui a libéré la Rhodésie. Ainsi lorsque Bukhosi, 17 ans, disparaît lors des manifestations qui secouent le Zimbabwe, ses parents (Abednago et Agnes) se retrouvent impuissants. Ils s’en remettent à Zamani, leur énigmatique et intrusif locataire.

Zamani, donc. La relation toxique s'installe. En manque de père et de mère, il multiplie les efforts pour devenir indispensable aux parents de Bukhosi. Et, pourquoi pas le remplacer dans leur cœur ? Avec une écriture dense, ciselée, Novuyo Rosa Tshuma nous fait rentrer dans des rapports névrotiques. Malheur aux innocents, aux utopistes, semble-t-elle dire. Car Zamani, manipulateur et émouvant, est prêt à brûler la forêt pour trouver des racines. Au nom de l'amour, dont il a été privé. Que cette "maison en pierre" s'écroule si lui, Zamani, n'a pas de toit. Et s'il faut réécrire l'histoire pour y trouver sa place, Zamani n'est plus à une trahison près. Faut-il le condamner, sans connaître son histoire justement ? 

La Maison en pierre est un livre politique et personnel. Novuyo Rosa Tshuma, jeune écrivaine de 35 ans, est assurément une plume pleine de talent. À suivre. 

("La Maison en pierre", Novuyo Rosa Tshuma, Actes Sud, 24,80€ )

Couverture du livre "La maison en pierre" de Novuyo Rosa Tshuma (Actes Sud)

Extraits : "Et pourtant lui, lui-même, il avait beau admettre que nos oppresseurs actuels, eux aussi, avaient été également, autrefois, victimes d’oppression dans l’État fasciste de Rhodésie, État qui avait été pour eux riche d’enseignements et dont ils appliquaient maintenant les leçons à fond dans l’État chauvin du Zimbabwe, il avait beau être en mesure de prendre conscience de tout cela, il lui était impossible de reconnaître l’humanité de Black Jesus. (…) Qui peut échapper à ses paternelles ? Père a tenté d’échapper à ses propres ancêtres blancs et regardez où cela l’a mené."

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