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La justice turque libère la romancière Asli Erdoğan accusée de "propagande terroriste"

La romancière turque Asli Erdoğan a été remise en liberté sous contrôle judiciaire, jeudi, par un tribunal d'Istanbul. Elle était jugée avec huit autres prévenus pour "propagande terroriste" du fait de son appartenance au quotidien prokurde Ozgür Gündem, fermé par décret-loi en octobre.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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  (Adrian Baer/ NZZ)

La romancière Asli Erdoğan est sortie de prison.  "Je ne réalise pas encore, je suis sous le choc" : Après 132 jours de détention provisoire, la romancière turque Asli Erdogan est sortie de prison jeudi soir. "Je ne m'attendais pas du tout à être libérée", a déclaré l'écrivain, traits tirés, mine épuisée, devant la prison pour femmes de Bakirköy, à Istanbul, dont elle a pu sortir avec la linguiste Necmiye Alpay, 70 ans.

Erdoğan et Alpay, tout comme les sept autres prévenus du procès, ne sont toutefois pas acquittées et le procès doit reprendre le 2 janvier, selon l'agence de presse Dogan. Tous sont accusés d'avoir collaboré avec Ozgür Gündem et d'être "membres d'une organisation terroriste", en l'occurrence le Parti des travailleurs du  Kurdistan (PKK). Ils risquent la prison à vie.

"Une honte pour la Turquie"

La décision du tribunal a été accueillie par des célébrations de joie devant le palais de justice d'Istanbul. Plusieurs membres du comité de soutien des prévenus se sont mis en route pour la prison de Bakirköy pour accueillir Asli Erdogan et Necmiye Alpay à leur sortie. Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées avant le début de l'audience devant le palais de justice de Caglayan à Istanbul, sous la pluie battante et le vent, pour soutenir les prévenus. "Nous sommes ici par solidarité avec les prévenus et pour défendre la démocratie. C'est maintenant ou jamais qu'il faut le faire, après, il sera trop tard, la dictature sera là", a déclaré Murat, 48 ans. "Cette affaire est une honte pour la Turquie, une honte pour le président Recep Tayyip Erdogan et une honte pour l'Europe qui ne fait rien pour soutenir la liberté d'expression", a affirmé Leyla Kizilkaya, venue, elle aussi, soutenir les journalistes et écrivains jugés jeudi.
Baris Yardas et Sezgin Tanrikulu, deux députés du Parti de la République du Peuple (CHP) sont venus soutenir Asli Erdogan. Sur la bannière il est écrit : "Nous ne participerons pas à cette honte". 
 (OZAN KOSE / AFP)

Peu avant le début de l'audience, les autorités turques ont par ailleurs annoncé l'arrestation d'Ahmet Sik, l'un des journalistes d'enquête turcs les plus réputés, dernier d'une liste qui ne cesse de s'allonger depuis le coup d'Etat manqué de juillet et les vastes purges qui ont suivi.  Au-delà des fidèles présumés du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d'être l'instigateur du putch manqué, des dizaines de journalistes ont été arrêtés et de nombreux médias fermés. Arrestations et limogeages ont également visé les milieux prokurdes ainsi que des voix critiques du pouvoir.
  
Après le coup de force, les autorités ont déclaré l'état d'urgence et c'est dans ce cadre que le quotidien Özgür Gündem, auquel collaborait Asli Erdogan, a été fermé par décret-loi, accusé d'être lié au PKK, une organisation classée "terroriste" par Ankara.

"Je suis un écrivain, ma raison d'être est de raconter"

Lors de de ce procès qui soulève la critique jusqu'en Europe, Asli Erdoğan s'est défendue contre les charges qui pèsent sur elle : "on m'accuse d'être membre d'une organisation terroriste sur la seule base qu'il y a mon nom dans l'ours du journal". "Je suis un écrivain, ma raison d'être est de raconter", a-t-elle dit, après avoir annoncé son intention de se "défendre comme si les lois existaient".

Physicienne de formation et lauréate de nombreux prix, Asli Erdogan, qui n'a aucun lien de parenté avec le président turc, a vu ses romans traduits dans plusieurs langues. Le dernier paru traduit en français, Le Bâtiment de pierre (Actes Sud, 2013), dénonce la torture et les conditions de détention en Turquie.

Voici en vidéo la lecture d'une lettre que la journaliste a écrite lors de sa détention : 

La Turquie est 151e au classement mondial de la liberté de la presse dressé par RSF en 2016, derrière le Tadjikistan et juste devant la République démocratique du Congo.

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