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"Et ils oublieront la colère", polar prenant signé Elsa Marpeau

La Série Noire fête ses 70 ans. Elsa Marpeau en a bientôt 40, et vient de publier, dans la mythique collection de Gallimard, son 4e roman, "Et ils oublieront la colère". Quel fil relie la vengeance contre une présumée collaboratrice, en 1944, et le meurtre d'un prof d'histoire au bord d'un lac, en 2015 ? Les deux histoires suivent leurs cours en parallèle, jusqu'à leur résolution.
Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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La romancière Elsa Marpeau
 (C.Helie pour Gallimard)

Elle court, elle court, Marianne, dans la campagne de l'Yonne. Elle court pour échapper aux poursuivants qui veulent la tondre. Mois d'août 44 : qui n'est pas résistant ? Un village tout entier reproche désormais à la jeune fille une liaison avec un officier allemand.

Eté 2015 : Garance, la quarantaine toute fraîche (comme l'auteur du livre, qui avoue 39 ans) est officier de police dans l'Yonne. Au bord d'un lac, on a retrouvé le corps de Mehdi Azem. Un prof d'histoire qui venait d'acheter une maison toute proche, dans un hameau de trois maisons appartenant tous à la famille Marceau.

Une famille refermée sur ses secrets glauques

Qui sont les Marceau ? Une famille refermée sur ses secrets glauques, avec un père chasseur et violent, un fils brillant qui flirte avec l'extrême-droite, une fille nommée Marine et une mère à la limite -semble-t-il, de l'idiotie. Sans parler des cousins, une mère nonagénaire atteinte d'Alzheimer et sa fille, Rose, dans l'autre maison du hameau. Que cachent-ils tous ?

Inlassablement, Garance explore ces lieux hantés par d'anciennes rancunes, cette forêt et cet étang ensorcelants où le cadavre a été découvert. Puis remonte le fil de l'histoire, obsédée par l'idée, vraie ou fausse, que le meurtre est lié à ce qui s'est joué autour de la vengeance de Marianne. Interrogée, Elsa Marpeau se dit d'ailleurs hantée par la façon dont "le corps social reprend toujours le corps des femmes pour se venger d'une humiliation, et récupérer une virilité perdue". 

 La couleur des forêts de l'Yonne, et celles des bord de Loire

N'en dévoilons pas davantage par respect pour l'intrigue et la construction impeccables. Les deux fils de l'histoire, celui de 1944 et celui de 2015, se déroulent en alternance, jusqu'à se rejoindre, grâce à l'obstination de Garance. Une héroïne qui travaille comme une forcenée, le jour. Et se souvient, la nuit, de son enfance. De sa "mère pute" dont ont voulu l'éloigner ses grands-parents. Du grand-père qui l'emmenait à la chasse traquer le faisan et épargner la biche. Du son des feuilles mortes craquant sous les bottes, de l'odeur des bois mouillés, d'une trace sur la terre glaise. La romancière a voulu, dit-elle, "faire un polar très ancré dans le terroir". Une réussite tant sa plume sait rendre les couleurs des forêts de l'Yonne, comme celles du ciel au bord de la Loire à Nantes. Tous lieux où elle a vécu.

Ce beau roman noir parle d'une France qui se délite et de la force des passions. La morale en sort perdante et le lecteur conquis.

"Et ils oublieront la colère", d'Elsa Marpeau
Gallimard, Série noire, 19,50 euros

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