"De longues nuits d'été", le beau roman d'apprentissage d'Aharon Appelfeld
Devenir un homme
Sergueï se lance dans l'entraînement physique rigoureux du garçon, et lui apprend à se défendre. Le vieux soldat aveugle parle peu, souvent plongé dans ses pensées, mais il partage avec l'enfant sa sagesse. Peu à peu, l'enfant et le vieil homme, que l'enfant appelle Papi Sergueï, se rapprochent. "Mon chéri" lui dit le vieil homme, et il se confie à l'enfant, lui parle de sa jeunesse dans son village, de sa famille, de la jeune fille dont il était amoureux, et de sa vie de soldat, qui l'a éloigné d'elle. Sergueï parle aussi à Janek de sa famille, de son grand-père, juif pratiquant et homme bienveillant.Janek se renforce, et s'habitue aux longs silences du vieil homme. Il se met à appliquer les principes de Sergueï et n'hésite pas à corriger les hommes qui s'en prennent aux vagabonds. Le vieux Sergueï transmet au jeune Janek tout ce qu'il peut. Il lui donne les armes pour survivre physiquement et affronter le monde dans lequel il devra vivre. Avec lui Janek apprend à se battre, mais aussi à goûter le silence, le recueillement, le partage et la beauté du monde. Presque deux années plus tard après que son père l'a confié au vieil homme, la guerre s'achève. Il est temps pour Janek de retrouver sa famille…
La déchirante absence des disparus
Aharon Appelfeld avait plus de 80 ans quand il s'est décidé à raconter dans "Adam et Thomas" (L'école des Loisirs, élu meilleur livre jeunesse 2014) son errance dans une forêt ukrainienne pendant la guerre. Avec "De longues nuits d'été", il offre cette fois aux jeunes lecteurs un récit d'apprentissage, mettant en scène un jeune garçon jeté sur des chemins escarpés qui le conduiront vers l'âge adulte."De longues nuits d'été" est un roman très profond, un roman d'initiation qui met en scène le rapprochement de deux êtres contraints à la solitude, l'un au seuil de sa vie, l'autre de sa mort. La question de l'extermination des Juifs pendant la seconde guerre mondiale y est abordée hors champ, à travers la déchirante absence des disparus.
Le roman d'Aharon Appelfeld est déroulé à un rythme lent, celui de la marche, dans une écriture sobre, tempérée, qui transmet avec justesse ce voyage initiatique et les liens tendres et pudiques qui lient les deux compagnons d'errance. Un livre sur la guerre, la haine et la nécessité pour les combattre de la transmission et de l'acceptation de l'autre. Bref, particulièrement recommandé par les temps qui courent…
"De longues nuits d'été", Aharon Appelfeld, traduit de l'hébreu par Valérie Zenatti (L'école des loisirs – 276 pages – 15 €)
Extrait :
"Sergueï parla le premier :
"De longue nuits d'été", Aharon Appelfeld (L'école des loisirs)
- En vagabondant, l'homme apprend à distinguer entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas, ce qui est temporaire et ce qui est immuable, la vérité et le mensonge. Lorsqu'un homme est confortablement installé chez lui il en oublie l'essentiel. Il a des préoccupations quotidiennes, se chamaille pour des broutilles, il ne pense qu'à lui et à ses biens. Mais lorsqu'un homme est dehors, sans maison, avec le ciel pour seul toit et la terre pour sol, seulement alors il comprend que l'errance, aussi dure soit-elle, le purifie.
Janek est attentif à chaque mot prononcé par Sergueï, même s'il ne comprend pas tout, mais la musique de ses phrases est agréable à son oreille et parfois il lui semble même que les paroles de Sergueï ne sont que musique.
Il faudrait peut-être que j'apprenne la musique et alors je pourrai le comprendre, se dit parfois Janek."
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