Christa Wolf, l'écrivain de l'ex-RDA est morte
Christa Wolf a été célébrée dans le monde entier comme un des grands auteurs contestataires de la RDA au temps de la Guerre froide. Née en 1929 en Prusse orientale (aujourd'hui territoire polonais), elle incarne la confrontation entre l'idéal socialiste et la réalité d'une Allemagne ravagée par la division puis réunifiée dans la douleur.
Elle exprime dans son oeuvre ses angoisses sur la nation, sur l'avenir du vivre ensemble allemand mais aussi ses nombreuses interrogations sur le rôle de l'écrivain et l'engagement politique. Les héros sont en conflit avec eux-mêmes et leur temps, dans des mondes qui les dépassent. La plume est poétique mais grave, dénudée et souvent dérangeante.
"On ne devrait pas écrire si on n'y est pas contraint par une nécessité intérieure", a-t-elle dit un jour.
Jeune femme au sortir de la guerre, elle s’imaginait plutôt devenir institutrice ou professeur. C’est par idéal que cette fille de commerçants a choisi de rester en RDA et d'adhérer au Parti communiste SED. Et bien qu'elle ait critiqué les autorités du pays, elle n'a jamais renié son attachement à "l'autre Allemagne".
Christa Wolf en disgrâce après des révélations sur des liens avec la Stasi
A tel point qu'en 1989, elle n'a pas compris l'ampleur des changements en cours: elle plaidait encore pour une nouvelle RDA, "humaine et véritablement démocratique". Un socialisme à visage humain.
Des révélations en 1993 sur ses contacts avec la Stasi, la police secrète de la RDA, au tout début des années 60, achèvent d'entacher son image, la reléguant au rang d'auteur "has been" et d'étoile déchue. La presse l'accable. Elle se fait alors discrète et se retire même un temps en Californie.
Dans un roman à connotation autobiographique paru en 2003 ("Un Jour par an"), Christa Wolf se décrivait comme le "témoin d'une époque passée" plutôt que comme un auteur "contemporain". Mais jusqu'au bout, ses livres sont restés des événements.
On lui doit entre autres "Christa T." (1968), "Trame d'enfance" (1976), où elle fait l'autopsie du nazisme et veut faire voler en éclats la chape de plomb sur le passé hitlérien, et "Cassandre" (1983). Ces trois livres la rendirent célèbre dans le monde entier.
Une écrivaine en cour à Berlin-est avant de représenter la contestation littéraire
Avec "Nouvelles de Moscou", son premier récit en 1961, et "Le Ciel partagé" (1963), elle contribua à la naissance d'une littérature propre à la RDA, où le rêve d'une nouvelle société se mêlait à celui de l'épanouissement individuel. Elle était alors en cour à Berlin-est, pouvait voyager librement et profitait des généreuses subventions versées par le régime à l'Union des écrivains, dont elle fut l'une des dirigeants.
Sa rupture avec le pouvoir vint plus tard, après "Christa T.", un roman où l'héroïne n'arrive pas à s'adapter à la RDA des années 50-60 et finit par mourir d'une leucémie. Après ce livre, elle est démise de ses fonctions à l'Union des écrivains. Elle évoque ce divorce avec le régime dans "Aucun lieu - Nulle Part" (1978). En 1976, elle proteste contre l'expulsion de RDA du poète et compositeur contestataire Wolf Biermann. Plus tard, elle dénoncera aussi la catastrophe nucléaire de Tchernobyl avec "L'Incident" (1987).
Pendant des décennies, Christa Wolf encouragera par ailleurs les jeunes poètes est-allemands, jusqu'à acquérir le statut de figure de proue chez les intellectuels du pays.
Christa Wolf a reçu en 1980 le Prix Georg-Büchner, la plus haute distinction littéraire allemande et par deux fois le "Prix national de la RDA".
Amie de Günter Grass, elle était mère de deux filles, et mariée à un écrivain, Gerhard Wolf.
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