"C'est moi", second roman, noir et étonnant, de Marion Guillot
Il passe beaucoup de temps chez eux, soirées qui se prolongent jusqu'au milieu de la nuit, Charlin énerve la narratrice, mais il est pour Tristan un soutien dans son "combat contre le chômage". La narratrice supporte Charlin et son omniprésence tant bien que mal, jusqu'au jour où elle découvre en rentrant du bureau, trônant au-dessus de la cheminée du salon, une photographie d'elle-même seins nus, encadrée en grand format…
Sans pathos
Dans ce second roman, comme elle l'avait déjà fait avec "Changer d'air", Marion Guillot fait surgir du quotidien le plus banal, les pires expériences. Ici, un couple de jeunes gens en capilotade, déjà gagné par l'ennui d'un présent sans perspective et les agacements qui ne manquent pas de s'y agglutiner. Comme toujours dans ces cas-là, l'un des deux prend les choses en main.Ici la solution envisagée, puis appliquée, est pour le moins radicale. "C'est moi", nous dit le titre. "C'est moi quoi ? C'est qui moi ?", a tout juste le temps de s'interroger le lecteur, avant d'être embarqué dans une machiavélique équipée.
Marion Guillot mène son récit d'une écriture tranchante, efficace. Elle donne aux événements les plus trashs une tonalité neutre, se concentrant sur les aspects techniques, qui font de "C'est moi" un roman noir étonnant.
"C'est moi", de Marion Guillot
(Minuit – 11 pages – 12 €)
Extrait :
"A trois, d'un geste net et assuré, il avait retiré le foulard. J'avais eu besoin de quelques secondes pour me réhabituer à la lumière, pour que s'évapore de mon champ de vision le drapé rouge presque uniforme au profit des couleurs variées de nos affaires, objets et bibelots en tous genres, si bien que je ne m'étais pas tout de suite rendu compte qu'au milieu du salon plein ouest, au-dessus de la cheminée sur le rebord de laquelle étaient posés une reproduction de l'Hermione et, sous sa vitrine de plexiglas, un coupé 404 miniature, trônait non seulement un immense cadre de bois neuf qui occupait, masquant le papier jauni, presque toute la surface du mur, mais surtout, surtout, démesurée et en gros plan, une photographie de moi dedans."
"C'est moi", Marion Guillot (page 30)
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