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Réédition commentée de "Mein Kampf" : succès en Allemagne, débats et inquiétude en France

Depuis un an, quelque 85 000 exemplaires de la réédition commentée de "Mein Kampf", le livre-programme d’Adolf Hitler, ont été écoulés en Allemagne. Le texte de 2000 pages était tombé dans le domaine public le 1er janvier 2016. Ce succès inattendu divise aussi bien Outre-Rhin qu’en France, où l'ouvrage pourrait être réédité sous peu.
Article rédigé par franceinfo
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L'édition commentée de "Mein Kampf" trône dans une librairie à Munich
 (Matthias Schrader /AP / SIPA)

Interdit en Allemagne durant 70 années, le manifeste antisémite "Mein Kampf" rédigé de 1924 à 1926 par Adolf Hitler, y est réédité depuis l’année dernière. Le texte est en effet tombé dans le domaine public, et a été écoulé à 85 000 exemplaires. Il pourrait également être réédité en France, ce qui divise éditeurs et historiens.

Reportage : O. Martin / G-A. Dolz / A. Guibert  / B. Boussoaur / J. Michaussie / F. Fontaine

Des notes pour encadrer la compréhension du lecteur

La réédition commentée de "Mein Kampf" a été réalisée par l’Institut d’histoire contemporaine de Munich (IFZ). Le texte a été publié dans sa version originale, mais assortie de notes explicatives rédigées par des universitaires, environ 3500. Une façon de remettre en contexte et d’expliquer l’ouvrage, longtemps interdit car considéré comme incitant à la haine raciale. Sa version brute, sans note, est quant à elle toujours interdite Outre-Rhin. 

Cette réédition a d’abord divisé les allemands : certains trouvent qu'elle n’a "aucun intérêt car personne ne devrait pouvoir acheter ce livre", d’autres, plus jeunes, estiment que c’est important que l’on continue d’en parler, et que l'ouvrage soit expliqué. Pour un autre, "De toute façon, on le trouve partout sur internet, mais c’est effrayant que cette nouvelle édition suscite autant d’intérêt".

La version commentée bientôt traduite en français

Partout sur internet, un argument est régulièrement repris par ceux qui défendent une réédition assortie de commentaires. Car au-delà de l'Allemagne, la perspective d'une réédition divise aussi en France. 
Andreas Wirsching, directeur de l'Institut d'histoire contemporaine de Munich, a en effet expliqué au Tagesspiegel qu’une traduction française de cette édition commentée devrait voir le jour. En parallèle, une version traduite par Olivier Mannoni dont la publication par Fayard a été repoussée pusieurs fois, devrait également sortir prochainement.

Pour ou contre une réédition, la question divise aussi en France

Jusqu’ici, seules les "Nouvelles éditions latines" et leur propriétaire François-Xavier Sorlot détenaient les droits en France. Ce dernier ne s'est jamais encombré de précautions et ne comprend pas l'intérêt d'une version commentée. Il fait paraître une version brute, sans annotations, outre les 8 pages d’introduction de mise en garde au lecteur imposées par la loi. Pour lui, "chacun doit se faire sa propre idée d’un livre, c’est le but d’un livre". Et quand on lui demande si "Mein Kampf" peut être mis entre toutes les mains, "Non" répond-il, "C’est pour un public averti, comme des tas d’autres textes". Il a indiqué à l'AFP vendre "entre 600 et 700 exemplaires de 'Mein Kampf' chaque année."

En revanche, pour de nombreux universitaires comme Denis Peschanski, historien et directeur de recherche au CNRS, ce type d'édition commentée est une vraie bonne chose : "Il suffit d'un clic sur internet et vous tombez sur le texte. Et là vous n'avez aucune garantie sur la nature exacte du texte, sur la qualité de la traduction, vous n'avez aucune note explicative. C'est là que la main de l'historien et de l'historienne est décisive, car ils vont pouvoir nous donner des clés". De plus selon les données récoltées par l'IFZ, les acheteurs du livre sont avant tout des universitaires et des étudiants. Il n'y aurait donc pas de raison de s'inquiéter outre-mesure.
Inerrogé récemment par France Culture, Johann Chapoutot, professeur d'histoire contemporaine à Paris IV Sorbonne, estime quant à lui que la réédition de ce livre précurseur de l'idéologie nazie est une régression, "un retour en arrière historiographique" pas vraiment nécessaire.
Au moment de la mort d'Adolf Hitler en 1945, la diffusion de "Mein Kampf"atteignait les 12 millions d'exemplaires traduits en 18 langues. 

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