"Version originale": les confessions d'Henry Chapier
Pour la plupart d'entre nous, Henry Chapier, c'est d'abord une voix : un timbre singulier et un phrasé presque maniéré. Certaines de ses questions posées aux centaines d'invités qui se sont succédés sur son "Divan" jaune de 1987 à 1994 résonnent encore. "Quel enfant étiez-vous à l'âge de sept ans?", demandait-il et les plus grands artistes se confiaient. Une psychanalyse télévisuelle que paraît-il, François Mitterrand s'amusait à regarder. Mais le journaliste n'est pas l'homme d'une seule émission. Le récit autobiographique qu'il signe chez Fayard : "Version originale" le démontre. Le titre de l'ouvrage fait référence à l'une de ses plus grandes passions : le cinéma.
Enfance à Bucarest
Fils d'un avocat international, auvergnat de souche, et d'une actrice d'origine autrichienne, Henry Chapier, né en 1933 à Bucarest, passe son enfance au sein de la colonie française de Roumanie. Il multiplie les lectures, notamment les ouvrages de Freud, et admire déjà Hollywood. L'adolescent rêve de ressembler à Charlton Heston. En 1947, la famille doit quitter Bucarest sous la pression du régime communiste et rejoint la Rochelle. Le jeune homme, sensible aux relents de xénophobie dont il est la cible venant d'Europe centrale, décide de s'inventer une nouvelle vie. C'est le temps des premiers fantasmes homosexuels.
Henry Chapier épouse alors une carrière de journaliste tout en gardant un oeil aiguisé sur le septième art. Après un diplôme de lettres et d'interprétariat, il travaille pour l'hebdomadaire "Arts" avec François Truffaut et Jean d'Ormesson. Alors qu'il rédige des piges dans "L'Express", il remporte le prix du meilleur journaliste débutant en 1959. Son tempérament engagé s'épanouit à "Combat", journal revendicatif où il croise Philippe Tesson, Mathieu Galey et Pierre Marcabru. L'éditorialiste entre ensuite au "Quotidien de Paris" dont il deviendra le rédacteur en chef des pages culture. En 1968, il milite en compagnie des représentants de la nouvelle vague dont Daniel Cohn-Bendit contre l'étatisation de la Cinémathèque française et le renvoi d'Henri Langlois.
Des débuts de réalisateur
Mais le cinéma n'est pas qu'une cause à défendre. Le journaliste se lance dans la réalisation. En 1968, il signe un docu-fiction : "Un été américain" qui romance l'histoire de jeunes étudiants blancs de l’université de Berkeley qui ont combattu pour les droits civiques des noirs. Deux ans plus tard, son premier film "Sex Power" obtient la Coquille d'argent au festival San Sebastian. Le long-métrage retrace le voyage mystique d'un français en Californie pour trouver l'âme soeur. Une errance onirique parmi des femmes sésuidantes, mise en musique par Vangelis.
Après une autre expérience derrière la caméra avec "Amore" en 1974, c'est surtout en tant que chroniqueur qu'il côtoie le monde du cinéma. On se souvient notamment de ses plateaux depuis Cannes sur FR3. Son métier lui vaut de rencontrer de très nombreuses personnalités comme Serge Gainsbourg, Jane Birkin ou Marguerite Duras, mais aussi les plus grands réalisateurs. Il croise Federico Fellini à Cinecittà sur le tournage de "La Cité des femmes" et fait la connaissance de Luchino Visconti ou encore Pier Paolo Pasolini, "un personnage exceptionnel de notre époque", raconte-t-il dans "Version originale : "rien ne remplace les liens affectifs que j'ai eu la chance de vivre avec [lui]". En 1988, Henry Chapier est membre du jury de la caméra d'or au Festival de Cannes, puis intègre celui de la Palme d'Or en 1996.
Aujourd'hui, Henry Chapier, à bientôt 80 ans, ne compte pas prendre sa retraite. Il est chroniqueur cinéma sur Radio Nova et président de la Maison européenne de la photographie à Paris. Comme il le dit dans son livre : "Il est interdit de vieillir", il lui faut rester un être vivant ouvert au monde et en prise avec une jeunesse à épauler.
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