"Je me promets d'éclatantes revanches" : la déclaration d'amour de Valentine Goby à l'oeuvre de Charlotte Delbo
"La femme qui m'a révélé Charlotte Delbo revenait d'entre les morts", commence Valentine Goby. Elle parle de Marie-José Chombart de Lauwe, déportée à Ravensbrück. La romancière la rencontre alors qu'elle a pour projet d'écrire sur la pouponnière du camp de Ravensbrück. Projet qui deviendra son roman "Kinderzimmer" (Actes Sud, 2014) récompensé par le Prix des Libraires en 2014. "Avez-vous lu Charlotte Delbo ?", lui demande Marie-José Chombart de Lauwe. Non, Valentine Goby n'en a jamais lu. Et pour cause. "Les livres de Charlotte Delbo sont souvent "absents des rayons des librairies, disponibles en rares exemplaires dans quelques bibliothèques".
La romancière finit par ouvrir "Aucun de nous ne reviendra". C'est le choc, "saisie par cette voix" comme nulle autre. "A la lire, j'ai pensé qu'écrire, c'est peut-être exactement cela : forger une langue capable de nous ramener d'entre les morts". Valentine Goby poursuit son chemin vers Charlotte Delbo. En lisant ses livres d'abord, sans rien chercher d'autre que cette langue, que ces mots, capables de "nous ramener d'entre les morts".
Le souffle de vie de Charlotte Delbo
Puis Valentine Goby part sur les traces de la femme de chair et de sang. Elle remonte le temps, jusqu'au convoi du 24 janvier 1943, qui emmena Charlotte Delbo vers les camps de la mort. Elle lit et relit ses textes, tente de faire remonter l'émotion des premières lectures. Elle écoute sa voix enregistrée en 1974 dans l'émission de Jacques Chancel. Elle lit les biographies. Elle consulte les archives. Un travail de six mois opéré "en état d'hypnose", confie la romancière."C'est mon voyage, et non le sien", précise Valentine Goby, qui fait ce récit à la première personne, récit d'une rencontre posthume, d'un voyage dans la compréhension de son geste d'écriture". La romancière raconte sa lecture : "debout, épaule appuyée aux rayonnages, la nuque cassée, à la hauteur de la lettre D".
"Je me promets d'éclatantes revanches" n'est ni une thèse, ni une biographie, ni un livre d'histoire. Le livre de Valentine Goby est un mouvement, un transport, qui emporte le lecteur dans un voyage lumineux. L'inextinguible souffle de vie de Charlotte Delbo enroulé dans les pages de ce très bel hommage, doublé d'une passionnante réflexion sur une œuvre, et plus largement sur la nécessité vitale de la littérature.
"Je me promets d'éclatantes revanches", de Valentine Goby
(L'iconoclaste - 192 pages - 17 €)
Extrait :
C'est irréel. La presque décimée de soif, de faim, le témoin de toutes les cruautés, humiliations, la veuve, la délirante de fièvre et de froid, la muette d'épuisement, la folle dénuée de pensée, la porteuse de cadavres à l'allure de cadavre d'Auschwitz et après est cette femme enjouée, qui ose dire qu'on peut revenir d'Auschwitz. Et à Jacques Chancel qu'on devine sidéré, Charlotte Delbo donne la clé de sa métamorphose : "Peut-être que, en l'écrivant, je le projette hors de moi."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.