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"Encore des nouilles" : les truculentes chroniques culinaires de Pierre Desproges rassemblées dans un recueil

Desproges était un amateur de bonne chère et de bons vins. Entre 1984 et 1985, il a écrit une série de chroniques pour la revue "Cuisine et Vins de France". Elles sont rassemblées dans "Encore des nouilles, chroniques culinaires" (Les Échappés), et illustrées par les dessinateurs de Charlie Hebdo. On se régale des inventions foutraques de ce génie de la langue, inspiré avec bonheur par la cuisine.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Détail couverture de "Encore des nouilles (Chroniques culinaires)" (Les Échappés) Pierre Desproges
 (Michel Maizoué)

"Si j'en suis venu à la bouffe, c'est par besoin de travail manuel (…) Devant mon incapacité à fabriquer des bibliothèques ou des porte-revues, je me suis mis à la bouffe". C'est ce que Pierre Desproges déclare en 1984 à Elizabeth de Meurville, journaliste de la revue Cuisine et vins de France alors qu'ils déjeunent chez Guy Savoy.

  (Luz)
La journaliste est frappée par cet homme qui "préfère les fourneaux à l'établi et parle de sa gourmandise avec tant de plaisir et de simplicité". Elle propose à l'humoriste d'écrire une chronique pour son journal. Une incongruité dans cette revue "bourgeoise", dont les lecteurs sont "plus souvent des toubibs et des notaires que des dérangeurs publics".

La chronique bouscule. Une abonnée écrit même au journal pour dire qu'elle arrache la page avant de lire sa revue, raconte Elizabeth de Meurville dans la préface. Qu'importe, ces quelques réactions épidermiques ne stoppent pas l'aventure, qui dure plus d'un an et donne lieu à une série de textes hilarants. Ils sont aujourd'hui pour la première fois rassemblés dans un recueil, "Encore des nouilles (chroniques culinaires)", illustré par les dessinateurs de Charlie Hebdo.
  (Wolinski)
Pierre Desproges y raconte comment une femme, "L'aquaphile", calme définitivement ses ardeurs en versant de l'eau dans son vin. ll y relate aussi les débuts de Jonathan Paxabouille, génial inventeur du pain à saucer. Il y fait le récit de son "désarroi culinaire" pour cause de cuisine moderne trop étroite pour un "plat à paella digne de Valence".

L'humoriste relève l'inculture en matière de vins, en faisant un sondage "un peu bidon" mais il n'empêche, explique-t-il, "le vin est un chef d'œuvre en péril". Il n'hésite pas non plus à dénoncer La Fontaine et sa "vile tentative de dénigrer les laitages français en les ravalant au rang de triviales canigouteries pour prédateurs des bois".

Des recettes improbables

On trouve dans ce recueil une savoureuse et inédite recette "Pot-au-feu Marie-Croquette", extraite du cahier de recettes familiales : "Prendre une petite Marie bien ferme, de 7 à 8 mois environ, si possible élevée sans hormones, afin d'éviter le goût de poisson. L'œil doit être vif, le cuisseau dodu. Compter 500 grammes par personne, avec os…"

Le "pâté de sardines à la desprogienne", un mélange de sardines écrasées avec du beurre salé vendéen "les sardines sont habituées" et diverses herbes est une recette avec laquelle l'auteur affirme fièrement faire un tabac. "Je méprise un peu ce plat car je le trouve vulgaire mais c'est très bon et ça en jette."
  (Riss)
Ces chroniques truculentes et gourmandes sont des petits bijoux de drôlerie. Avec cette extraordinaire langue qui n'appartient qu'à lui, Desproges y raconte des anecdotes, invente des personnages, dresse à travers ces courtes chroniques l'apologie des bons vins, de la bonne chère, et dénonce ce qui de près où de loin pourrait les offenser. "le manque de curiosité culinaire va très souvent de pair, et pas seulement de fesses, avec un caractère grincheux, pète-sec, hargneux et parpaillot. Imagine-t-on Cromwell ou Jean Cau ripailler ?"
 
Les illustrations des dessinateurs de Charlie Hebdo assaisonnent avantageusement les textes de l'humoriste. Une heureuse idée de les avoir rassemblés dans un recueil pour les donner à déguster d'un seul trait, cul sec !
 
Encore des nouilles (Chroniques culinaires) Pierre Desproges, illustrations Charlie Hebdo (Les Échappés – 128 pages – 14,90 euros)


Extrait :
"J'étais au bord de dire des choses à l'eau de rose quand le sommelier est arrivé. J'ai commandé un Figeac 71, mon saint-émilion préféré. Introuvable, sublime. Rouge et doré comme peu de couchers de soleil. Profond comme un la mineur de contrebasse. Éclatant en orgasme soleil. Plus long en bouche qu'un final de Verdi. Un vin si grand que Dieu existe à sa seule vue. Cette conne a mis de l'eau dedans. Je ne l'ai plus jamais aimée."


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