"Profanes", Jeanne Benameur proclame l’homme comme seul Dieu.
En clin d’œil au titre de son roman, dans un éclat de rire, Jeanne Benameur déclarait récemment à propos de son ouvrage, à la fête du livre de Bron (Rhône): « c’est efficace, le pape démissionne ! » Cette femme aux activités littéraires multiples, littérature jeunesse, poésie, théâtre propose dans son nouveau roman « Profanes » une expérience qui pourrait paraître étrange mais qui joue efficacement le rôle de révélateur de natures humaines sensibles et blessées.
Un surprenant contrat
A quatre-vingt-dix ans Octave Lassalle, ancien chirurgien du cœur, vivant seul, propose un contrat pour le moins inédit à quatre personnes. Il s’entoure d’un homme et de trois femmes pour prendre chacun leur tour le relais auprès de lui dans sa grande maison au fil des journées et des nuits. Non qu’il en ait un besoin matériel immédiat au regard de son grand âge mais il semble avoir besoin à la fin de sa vie de réfléchir, au sens, de se refléter dans le regard des autres. Le choix de ces quatre a donc été méticuleux. « Chez chacun d’eux, la lutte, solitaire, pour la vie. Et aucune religion à laquelle se raccrocher. C’était la question commune à chaque entretien. La plus importante. Quel rapport entretenaient-ils avec la foi, la religion ? Aucun des quatre n’avait la foi domptée par la religion. Les quatre doutaient. »
Révélateurs de fantômes
La jeune Béatrice Benoît, la solide Yolande Grange, la dessinatrice Hélène Avèle et seul homme de cette compagnie, Marc Mazetti vont se voir attribuer des tâches quotidiennes dans la maison d’Octave Lasalle. Mais plus que ces actes d’accompagnement, Jeanne Benameur nous ouvre au fil de son ouvrage les portes de la vie de chacun, avec ses fêlures, ses doutes et ses bonheurs passés ou présents. Petit à petit avec respect, ils peuplent la grande maison de cet homme avec qui plus qu’un contrat c’est un pacte qui se dessine. Ils vont jouer ce rôle de révélateur des fantômes qui hantent la vie de ce vieil homme. « Octave Lassalle laisse venir à lui ce que la mémoire a gardé vif. C’est sa seule façon de rester vivant aujourd’hui. »
Rien de morbide dans le tableau de cette vie finissante, mais une foi chevillée aux corps de ces personnages que rien ne destinaient à se croiser. Une foi en l’homme, une foi chaleureuse et réconfortante. « La grande maison les entoure et les retient dans les mots du vieil homme. Pourtant c’est dans sa propre vie que chacun chemine. L’histoire d’un seul ouvre l’histoire des autres. »
Un moment de grâce
Jeanne Benameur semble se laisser porter par ses personnages. Elle s’arrime aux mots avec l’économie de phrases courtes. Elle tient cet exercice de son art poétique cultivé depuis une vingtaine d’années. Elle passe sans prévenir du « je » de son personnage central à la troisième personne plus distante de l’auteur. Jeanne Benameur parle de son écriture comme d’un moment « de grâce, d’épiphanie. » Une grâce qui mène les profanes que nous sommes, nous lecteurs, à la porte du temple, à la porte d’un ouvrage précieux, nourri de la plus belle matière humaine, de la vie à la mort.
« Profanes » de Jeanne Benameur, édition Actes sud.
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