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Premier roman, premier salon : à 55 ans, Frédéric Verger n'a "rien à prouver"

Avec "Arden" (Gallimard), Frédéric Verger a remporté le prix Goncourt du Premier Roman. C'est aussi la première fois de sa vie que ce professeur de français de 55 ans met les pieds au salon du livre. Rencontre avec ce discret "jeune" romancier, un peu "embarrassé" de se livrer à l'exercice de la dédicace.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Frédéric Verger au Salon du Livre 2014
 (Laurence Houot / Culturebox)

C'est l'effervescence sur le stand des éditions Gallimard. Les dédicaces se succèdent sans interruption. Il arrive discrètement, l'air un peu hagard. Frédéric Verger, 55 ans, professeur de français dans un lycée de la banlieue parisienne et auteur de "Arden", un premier roman très remarqué de la rentrée littéraire de septembre. Le contraste est saisissant, entre l'agitation du salon et la réserve tranquille de ce "jeune" romancier. On imagine quelle tête il aurait fait s'il avait remporté le Goncourt (il a failli), obligé de subir les assauts de la foule de photographes en délire à l'hôtel Drouant….

Un premier roman à 55 ans

"Quand on publie son premier roman à 55 ans, on n'a plus besoin de reconnaissance. Je n'ai plus l'âge de faire une carrière littéraire", murmure Frédéric Verger, qui prend son temps pour répondre. "J'avais écrit un livre quand j'avais 25 ans. Un roman, que j'avais envoyé à plusieurs éditeurs. J'avais eu des réponses encourageantes, mais tout ce que j'ai écrit par la suite ne me paraissait pas satisfaisant."

"Quand j'ai commencé à écrire "Arden", j'ai eu le sentiment que ça fonctionnait, j'étais moi-même pris par l'histoire. Là, j'ai eu envie d'aller jusqu'au bout." Il envoie son manuscrit à plusieurs maisons d'éditions. Gallimard répond rapidement. Suivent la publication et le bel accueil de la critique et des prix littéraires.

"J'avais du mal à rester assis"

Quand on lui demande pourquoi il a fallu 25 ans, et ce qui s'est passé de particulier cette fois-ci, il dit qu'il ne sait pas, que c'est difficile à expliquer, que c'est peut-être une question d'âge, peut-être même tout simplement physiologique. "Plus jeune, j'avais du mal à rester assis. Rester à ma table de travail. J'avais tout le temps envie de bouger." Frédéric Verger explique aussi que l'âge avançant, il s'est libéré de certaines interrogations, notamment sur ce qu'on pourrait penser de ce qu'il pouvait écrire, et comment il l'aurait écrit. "Je me demandais si ce que j'écrivais correspondait à ce qu'il faut faire aujourd'hui."

Et sans plus se poser de questions, il l'a fait. Un foisonnant roman de près de 500 pages, qui raconte les aventures de deux amis, un directeur d'hôtel de luxe et un tailleur juif, qui écrivent ensemble des opérettes, jusqu'à ce que la guerre arrive. "Ca a changé ma vie oui. Ne serait-ce que mon rapport à moi-même. Je me disais depuis si longtemps que j'allais le faire. Ecrire un livre. Et c'est arrivé. Je l'ai fait. Ca aurait pu rester une illusion jusqu'au tombeau. Donc, en cela oui ça a changé ma vie. Mais pour le reste. La vie courante, émotionnelle, non ça n'a rien changé".

"Le roman, c'est une façon de penser la vie"

Une dernière question, de saison au salon cette année, celle du livre qui a changé sa vie. La réponse arrive vite : "Madame Bovary" de Gustave Flaubert. Je l'ai lu quand j'avais 14 ans et j'ai eu le sentiment de comprendre tout ce que l'écrivain voulait dire dans chacune des phrases, pas la chose explicite, mais ce qui était derrière, de sensibilité, d'affect. Ca a changé ma vie parce que j'ai compris que le roman, c'était une façon de penser la vie. Une façon de comprendre la vie, comme il peut y avoir une façon religieuse de comprendre la vie. Et moi, cette manière-là, cette façon de regarder et d'appréhender la réalité par les mots, me convenait."

Notre conversation à l'écart de la foule du salon s'arrête. Il est l'heure pour Frédéric Verger de prendre sa place dans la ligne des auteurs en dédicaces. "Je ne veux pas avoir l'air de cracher dans la soupe, ou d'être arrogant, mais comment dire…  C'est un peu embarrassant, cet exercice de dédicace. Pour les auteurs qui ont un grand succès public, c'est naturel, il y a une logique. Mais c'est une question d'échelle. C'est un peu comme de proposer à un petit groupe de musique de jouer au Zénith, avec deux pelés et trois tondus dans les gradins. Vous voyez…"

  (Laurence Houot / Culturebox)
Frédéric Verger se dirige vers la table des dédicaces et accueille ses lecteurs, certes pas une foule, mais ceux qui sont là restent longtemps penchés devant sa table.


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