Premier jour du Salon du Livre : voyage et liberté d'expression
L'Algérien Kamel Daoud, auteur du roman salué par la critique "Meursault, contre-enquête", est sous le coup d'une fatwa pour ses positions libérales et laïques. "Nous faisons face à un fléau mondial qui vise les personnes, la pensée différente", dit-il à l'AFP, avant un débat sur la liberté d'expression au côté du dessinateur Plantu. "Si les islamistes s'attaquent d'abord à la culture, aux musées, aux livres, aux écrivains, aux intellectuels, ils le font parce qu'ils savent que l'enjeu est d'abord culturel. Dans le monde arabe, la faillite philosophique est immense, quand on n'est pas islamiste et qu'on cherche du sens, on n'a aucune alternative. On n'a rien sous la main pour s'expliquer sa présence au monde, sa sexualité, l'amour, la mort, toutes les grandes questions de l'homme".
L'Italien Erri De Luca, poursuivi en Italie pour incitation au sabotage de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, a reçu, lui, le soutien d'auteurs mondialement connus comme Salman Rushdie ou Paul Auster.
Le Brésil est à l'honneur, comme il l'avait déjà été en 1998. "C'est le premier pays a être mis à l'honneur pour la deuxième fois", a souligné la ministre de la Culture Fleur Pellerin en inaugurant le Salon. Près de 50 auteurs brésiliens sont présents, comme Bernardo Carvalho, Ana Maria Machado ou Paulo Lins. "Il y a une éclosion de nouvelles voix, des gens qui écrivent sur les villes avec une diversité d'expériences urbaines", a dit à l'AFP Ana Maria Machado. Le ministre de la Culture brésilien, Juca Ferreira, a expliqué qu'"un choix très large a été fait pour que les Français puissent découvrir la nouvelle génération d'écrivains".
Les villes polonaises de Cracovie et de Wroclaw sont aussi sous le feu des projecteurs. "Cracovie, c'est la ville de ma jeunesse, une ville où l'on lit beaucoup", a dit à l'AFP le metteur en scène Roman Polanski. Au-dessus du stand de la Pologne, on pouvait lire une phrase de l'écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969): "Ce n'est pas nous qui disons les mots, ce sont les mots qui nous disent." "Witold Gombrowicz était mon auteur préféré quand j'étais jeune parce que ce genre de littérature était interdit en Pologne", a souligné le réalisateur du "Pianiste", Palme d'or à Cannes en 2002.
Une vingtaine d'auteurs polonais sont présents, dont Marek Bienczyk, Iwona Chmielewska, Marek Krajewski et Urszula Koziol. Parmi les 3.000 auteurs qui dédicaceront leurs ouvrages, on trouve le prix Goncourt 2014, Lydie Salvayre, Sylvain Tesson, Amin Maalouf, Amélie Nothomb, ou encore David Foenkinos.
"Une faute morale"
Mais ce salon ne représentera pas toutes les maisons d'édition, le groupe Hachette Livre (Grasset, Fayard ou Calmann-Lévy) ayant choisi de ne pas y prendre part, invoquant le coût de cette participation au regard de ses retombées. "Les grandes maisons de littérature ont décidé cette année qu'elles préféraient investir leurs moyens" dans d'autres salons, a indiqué Arnaud Nourry, PDG d'Hachette Livre.
Les actionnaires de ces maisons n'étaient toutefois pas tous d'accord. "Alors que l'écrit et le livre demeurent plus que jamais des remparts contre l'obscurantisme et le fanatisme, cette absence d'Hachette Livre, au regard de l'actualité, sonne comme une faute morale", a réagi Eliane Calmann-Lévy, actionnaire minoritaire des Editions Calmann-Lévy.
Le débat sur son implantation Porte de Versailles a aussi ressurgi. "Nous avons créé ce salon en 1981: ce serait dommage de l'arrêter", a dit à l'AFP Antoine Gallimard, PDG des éditions Gallimard, pour qui la taille des locaux de la Porte de Versailles rend possible la rencontre entre tous les éditeurs, grands ou petits, et tous les Français, provinciaux ou parisiens.
Autre motif d'inquiétude: une baisse de la lecture et des ventes de livres, selon plusieurs études. Fleur Pellerin a annoncé au Salon le lancement d'une campagne en faveur de la lecture des jeunes, dont une grande "fête de la lecture" cet été.
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