Plantu : "s'intéresser aux dessinateurs quand ils sont vivants"
"C'est plus facile d'utiliser une photo qui ne dérange pas", note Plantu, qui a collaboré autrefois à Charlie Hebdo et dont les dessins illustrent aujourd'hui chaque jour la Une du Monde. "Les rédactions ont peur des dessinateurs, elles se disent +il va nous échapper+ et cela a toujours été comme ça", explique-t-il à l'AFP. "Moi, j'ai la chance d'être protégé par des directeurs et des rédacteurs en chef qui aiment, qui supportent et qui portent même le dessinateur", note-t-il. "Ils savent bien que c'est parfois un peu limite mais ils pensent +bon, c'est notre dessinateur +!", ajoute le caricaturiste qui collabore également avec L'Express.
Jean Plantureux, de son vrai nom, demande aux patrons de presse - les "décideurs en images", comme il les appelle - d'avoir "le courage d'engager de jeunes dessinateurs et les laisser s'exprimer". Plantu montre un dessin de Chimulus, fils de Jacques Faizant, dans lequel un caricaturiste regrette que les dessinateurs n'intéressent les rédactions que "quand ils sont morts".
Cinq de ses amis et confrères de Charlie Hebdo, Charb, Wolinski, Cabu, Tignous et Honoré, ont péri dans l'attaque contre le journal satirique. Lui oeuvre en ce moment pour que l'hebdomadaire satirique ait "les moyens financiers d'exister encore dans six mois." Un projet de financement sérieux, bientôt bouclé, est dans les tuyaux, souligne-t-il. Puis, le dessinateur évoque le souvenir de Tignous avec lequel, il y a moins d'un mois, il avait passé l'après-midi à dessiner au Forum des Halles pour des passants qui leur racontaient des choses personnelles, d'où ils venaient, ce qu'ils faisaient dans la vie. "C'était touchant. Il y avaient des gens qui venaient de partout, des musulmans, des juifs, des chrétiens, une Indonésienne, une Vénézuélienne.... Et Tignous faisait ses dessins, arrachait les pages et les distribuait à ces gens qu'ils ne connaissait pas", raconte-t-il. Le souvenir est manifestement joyeux.
"Je pense qu'il faut mettre +le booster+ sur la pédagogie", poursuit-il. "La vocation des dessinateurs de presse est de continuer de dessiner à des endroits où il y a du passage. Les gens doivent comprendre que lorsqu'on fait des dessins, on veut dire : + je veux rigoler avec toi, je t'écoute, je te fais un dessin+. Cela fait partie du jeu". Il se saisit d'une de ses planches où il met en parallèle l'occupation nazie pendant la deuxième guerre mondiale et l'Etat islamique: "ils se ressemblent beaucoup. Ils n'ont pas beaucoup d'humour".
Retrouver mes amis dessinateurs musulmans
Interrogé sur sa propre sécurité, il réplique : "Je n'ai pas à me poser la question de la menace. Je vais dans trois semaines au Pakistan, je ne veux pas me poser la question". Le voyage était calé de longue date, c'est un hasard du calendrier. Le dessinateur, qui a créé en 2006 avec Kofi Annan, alors secrétaire général de l'ONU, l'organisation "Cartooning for peace/Dessins pour la paix", part sous cette bannière. "Je vais retrouver mes amis dessinateurs musulmans. Je tiens à dialoguer avec eux. Ils savent que nous bâtissons des ponts là où les autres créent des schismes. Pourquoi ils me font venir au Pakistan ? Ils ont besoin de me parler, ils ont besoin de me dire ce qu'ils ont dans le ventre. En fait, c'est moi qui vais les écouter".
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