Mort de Maryse Condé : Emmanuel Macron salue la mémoire d'une "géante des lettres"

L'émotion est perceptible dans tous les hommages qui sont rendus depuis quelques heures à Maryse Condé. Amis, proches et personnalités politiques soulignent la plume exceptionnelle d'une femme engagée et libre.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
Maryse Condé, journaliste, professeure de littérature et écrivaine française, en avril 1984, à Ségou, au Mali. (JEAN-JACQUES BERNIER / GAMMA-RAPHO / GETTY IMAGES)

"Je ne veux pas parler de Maryse comme si elle n'était plus là. Je ne veux pas dire une phrase en sachant qu'elle ne m'appellera pas dans le quart d'heure", écrit l'ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira dans une émouvante missive postée sur le réseau social X en hommage à son amie, l'écrivaine guadeloupéenne, disparue à l'âge de 90 ans. Les hommages se succèdent depuis l'annonce du décès, dans la nuit du 1er au 2 avril 2024, de la journaliste, enseignante et romancière.

Emmanuel Macron salue une "géante des lettres", sur X. "Maryse Condé a su peindre les chagrins et les espoirs, de la Guadeloupe à l'Afrique, de la Caraïbe à la Provence. Dans une langue de lutte et de splendeur, unique, universelle. Libre", écrit-il. La ministre de la Culture Rachida Dati a souligné, pour sa part, "la puissance de son écriture, l'acuité de son regard sur notre histoire commune, sa capacité à décortiquer les plaies restées vives de l'histoire coloniale". Ce qui faisait de Maryse Condé "une écrivaine francophone des plus précieuses". "Sa disparition est une grande perte pour le monde antillais, la France, le monde".

Plus tôt, Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, saluait aussi cette "figure majeure de la littérature francophone", "l'œuvre prolifique" de "cette grande penseuse de l'Afrique et de l'esclavage". "Maryse Condé était avant tout une femme libre", a conclu la ministre.

"Sa vie et son œuvre sont tellement éblouissantes et riches qu'il se trouve dans le monde des milliers de personnes pouvant rédiger toutes sortes d'hommages, de notices, de poèmes, de bios ou de souvenirs. Même sans l'avoir connue. L'effet qu'a pu faire tel livre à tel moment de leur vie. La recette essayée. Les larmes versées sur des romans. Les éclats de rire", a estimé Christiane Taubira dans sa lettre hommage.

Le poète Daniel Maximin, qui l'a rencontrée pour la première fois à Londres, est revenu sur son engagement vis-à-vis du continent africain dans l'émission hommage que lui a consacré Guadeloupe La 1ère mardi 2 avril. Au début des années 1960, il explique qu'elle a fait partie de ces "jeunes qui sont partis aider l'Afrique" et qu'elle a connu "la désillusion" dans un pays comme la Guinée, qui deviendra une dictature sous Sékou Touré. Son rêve africain s'était brisé en mille morceaux, mais sa soif du monde et d'écriture ont continué à la porter, en dépit des épreuves et de ses désenchantements personnels et politiques.

"Maryse est devenue un ancêtre"

"Elle était d'une grande curiosité", rappelait Françoise Vergès dans l'édition spéciale en hommage à l'écrivaine. L'historienne, très émue en évoquant la mémoire de son amie, avait écrit le documentaire consacré à la femme de lettres, Maryse Condé, une voix singulière, diffusé sur Guadeloupe la 1ère. "Elle est dans son éternité", a estimé le journaliste Michel Reinette, qui se qualifie de "petit frère" de l'écrivaine. "Maryse est devenue un ancêtre" en notant que l'autrice était "une femme d'ouverture". "Lisez et relisez La Vie sans fards (sa deuxième autobiographie). Vous verrez à qui on avait affaire, à qui on a affaire" car "elle s'est complètement déshabillée au sens propre comme au sens figuré" dans l'ouvrage.

Le cinéaste et écrivain guadeloupéen Franck Salin, qui l'a aussi bien connue, retient avant tout d'elle son œuvre, "une grande et belle œuvre". Il confie aussi à Franceinfo que "sous ses apparences assez austères", Maryse Condé était une femme "très humaine et sensible", qui avait "beaucoup d'humour" et appréciait "la bonne cuisine", comme on peut le constater dans Mets et merveilles (JC Lattès) publié en 2015.

"Césaire et Glissant sont des monuments si énormes de la littérature antillaise, des baobabs, qu'on n'a pas vu l'arbre qu'est Maryse Condé. Ces deux grands lui ont fait de l'ombre, mais je pense que les gens, avec le prix Nobel 'alternatif', (l')ont (re)découvert", confiait déjà à Franceinfo, en 2018, son amie et compatriote guadeloupéenne Osange Silou, aujourd'hui disparue.

Pour Maryse Condé, la transmission était essentielle. Un message auquel les jeunes du lycée de Sarcelles, qui porte son nom, ont été sensibles puisque ce sont eux qui ont décidé de baptiser ainsi leur établissement. L'écrivaine avait tenu à assister à la cérémonie en janvier 2023. Selon Guadeloupe la 1ère, un hommage lui sera rendu dans la matinée du vendredi 5 avril dans l'unique lycée Maryse Condé, du moins à ce jour, dans l'Hexagone.

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