Mort de Jean-Jacques Pauvert, l'éditeur de Sade et "d'Histoire d'O"
Jean-Jacques Pauvert est décédé dans un hôpital de Toulon, non loin du Lavandou où il s'était retiré depuis quelques années. Il avait 88 ans. Il avait été victime d'un AVC en août dernier, le troisième.
Un "audacieux défenseur de la liberté"
"Mon père était un très grand éditeur, un défenseur des libertés contre toute forme de censure, comme ma mère, ils étaient des êtres libres", a déclaré l'une de ses filles, Camille Deforges, dont la mère, l'écrivaine et éditrice sulfureuse Régine Deforges, est elle-même décédée en avril dernier. La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a rendu hommage à un "audacieux défenseur de la liberté, se défiant de toute censure".
De l'apprenti vendeur chez Gallimard à l'éditeur de Sartre et de Sade
Son histoire est d'abord celle d'une précocité. Né en 1926, ce cancre entre en 1942 chez Gallimard comme apprenti-vendeur. Engagé dans la Résistance, il fait, à 16 ans, de la prison en Allemagne. A 19 ans, il édite son premier livre, un texte de Jean-Paul Sartre. "Je crois que j'ai été le plus jeune éditeur de France", dira-t-il. Puis, c'est l'aventure de Sade sur lequel il écrira, longtemps après, plusieurs ouvrages.
Il se retrouve, à la fin des années 60, patron d'une importante maison, puis d'une deuxième, puis d'une librairie qui vend par correspondance dans le monde entier. "JJP", moustache et lunettes, a relancé la carrière d'un auteur qu'on ne lisait guère, Boris Vian, a ressuscité également Raymond Roussel, a édité Malraux, Aymé, Gide, Queneau puis André Hardellet ou Albertine Sarrazin. Il a été le dernier éditeur d'André Breton et a sorti Georges Bataille de la clandestinité. Parallèlement, il a lancé de surprenantes maquettes de livres et une nouvelle édition du Littré.
Les procès contre la censure
Privé de ses droits civiques, il a accumulé les procès contre "les lois absurdes qui, depuis 1945, font l'armature de la censure française". Un tiers du chapitre consacré à la censure dans l'ouvrage de référence "L'édition française depuis 1945" se rapporte à "JJP". "Moi quand j'avais un procès ça me rendait plutôt combatif", confiera-t-il plus tard. Il a raconté dans ses mémoires le "silence assourdissant" qui a accueilli à sa sortie "Histoire d'O". La première année est, pour la carrière du livre, une "catastrophe". Seuls les juges s'y intéressent. Albert Camus lui répète : "jamais une femme ne pourrait imaginer des choses pareilles!". Il avait récupéré le manuscrit auprès d'un autre éditeur contre un chèque sans provisions de 100.000 francs. "Je crois avoir été un bon commerçant, oui. Quelques fois avec un peu d'avance évidemment", avait-il confié dans une interview.
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