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Mort d'Edmonde Charles-Roux : Marseille pleure l'une de ses icônes
Entre Edmonde Charles-Roux et Marseille, c'est une histoire d'identité, de culture et de pouvoir. De sa jeunesse dans la Résistance à son décès, la vie de la journaliste et romancière, devenue certes célèbre à Paris, restera liée à la cité phocéenne. Elle en avait même épousé l'emblématique maire, Gaston Defferre, laissant sa marque notamment dans les affaires politiques et culturelles locales.
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"Enfant, un jour, on m'a dit : vous êtes française ? J'ai répondu : "non, je suis marseillaise", confiait Edmonde Charles-Roux dans une interview télévisée peu après l'attribution de son prix Goncourt, en 1966.
Toujours un pied à Marseille
La romancière, issue d'une famille de riches armateurs marseillais, a passé son enfance à l'étranger et a connu la célébrité dans le milieu littéraire et culturel parisien mais elle conservera toujours un pied dans la cité phocéenne. "Marseille pour elle, c'était capital, au sens propre du terme" : elle y gardait un appartement, à deux pas du Vieux-Port, raconte un proche, le poète Julien Blaine, Christian Poitevin pour l'état civil.Cet attachement se noue pendant la Résistance qu'elle rejoint sous le couvert de sa fonction d'infirmière de la Croix-Rouge dans les hôpitaux marseillais. Elle participe au soulèvement de la ville, trois jours après le débarquement en Provence. L'ordre en a été donné par le patron de la Résistance marseillaise, Gaston Defferre.
Une femme de pouvoir ?
Defferre et Charles-Roux tomberont, bien plus tard, amoureux, et se marieront, près de trente ans plus tard. Aux yeux de beaucoup de Marseillais, Edmonde Charles-Roux devient dès lors, et restera, "la femme de" l'indéboulonnable maire."C'était une femme de pouvoir", se souvient Christian Poitevin. "Fine politique, elle conseilla et influencera" Gaston Defferre qui a présidé aux destinées de Marseille de 1953 à sa mort en 1986, souligne le député socialiste Patrick Mennucci. A l'autre bout de l'échiquier politique, l'actuel sénateur-maire (Les Républicains) Jean-Claude Gaudin, un demi-siècle de conseil municipal derrière lui, salue "une femme de convictions et de courage". L'influence politique de la romancière est toutefois à relativiser, selon lui : elle était "plus à gauche" que Defferre, qui a gouverné en coalition avec la droite, et n'était pas "très amie" avec les conseillers politiques de son époux, dit-il.
Son rôle a culminé lors de la succession de Gaston Defferre, relève l'anthropologue Michel Peraldi : elle oeuvrera, grâce à ses relations médiatiques et politiques parisiennes, en faveur de l'élection à la mairie de Robert-Paul Vigouroux, pour "bloquer la carrière" de son concurrent, l'avocat Michel Pezet. Le compagnonnage d'Edmonde Charle-Roux avec le Parti socialiste marseillais a perduré jusqu'à ces derniers mois, relève Patrick Mennucci : "Je ne sais pas si elle était toujours d'accord avec nous, mais elle gardait cette fidélité", raconte-t-il à l'AFP.
A l'origine de l'ouverture culturelle de Marseille
A Marseille, elle aura aussi marqué la vie culturelle, dans une ville qui fait parfois pâle figure sur ce plan. "C'est elle qui a ouvert Marseille à la culture", précise Christian Poitevin. Nommé adjoint à la Culture de Robert-Paul Vigouroux, il se souvient d'avoir vu à l'insistance d'Edmonde Charles-Roux, "le doublement" de son budget. "Elle (a sensibilisé) Gaston Defferre à cette thématique et c'est notamment grâce à elle que le théâtre la Criée a pu voir le jour", souligne Patrick Mennucci.A son crédit également, selon Christian Poitevin, la création des Ballets de Marseille de Roland Petit, qui verra travailler ensemble, outre la romancière, les peintres Keith Haring et David Hockney, ou le couturier Yves-Saint-Laurent. Cette mélomane saura par exemple convaincre un riche mécène, le patron des savons Le Chat, de financer l'Opéra de Marseille, se souvient-il. "Elle a amené tout Paris à Marseille", résume Dominique Bluzet, directeur de théâtres.
Si la romancière "a toujours soutenu l'activité culturelle de cette ville, sa vie intellectuelle était davantage à Paris", tempère Jean-Claude Gaudin. Ce qui plaisait tant à cette représentante de la "bourgeoisie éclairée", c'est "la richesse multiraciale, multiculturelle et multiethnique de Marseille" souligne M. Poitevin : "un mélange de folies venues de toute la Méditerranée", qui séduisait la femme de lettres.
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