Le street-artiste C215 sème ses pochoirs à la mémoire de Charlie Hebdo, dans les rues de Paris
Ses mains encore fraîches de peinture, C215 voit deux policiers en civil fondre sur lui... pour prendre un selfie. "Merci pour tout, ce que vous avez fait pour Ahmed, ça nous a tous beaucoup touchés, continuez", lui glissent-ils. A quelques rues, le sourire bleu-blanc-rouge d'Ahmed Merabet, le policier exécuté par les frères Kouachi, s'est posé sur un boitier électrique du Boulevard Richard-Lenoir. Une commande de ses collègues auprès de l'artiste, réalisée à la veille de la journée de commémoration des attentats contre Charlie Hebdo.
"Un moment extrêmement intense", se souvient Christian Guémy, "très fier d'avoir été choisi" mais "écrasé par la responsabilité du portrait" accompli devant "la maman effondrée". "Ahmed, c'est un symbole très fort. C'est un enfant de l'immigration, qui a grandi en banlieue, né musulman et qui a endossé un uniforme républicain pour sacrifier sa vie en allant au devant des terroristes", admire le pochoiriste.
Devoir de sauvegarde
C'est dans son atelier-domicile d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) qu'il a scalpé sa série de portraits. Des brouillons traînent encore entre ses pochoirs de chats ou de clochards, qui l'ont fait connaître au public et ont fait grimper sa cote dans les salles de vente. Dix ans après des débuts tardifs à 32 ans - des portraits de sa fille dont il était éloigné -, ses pièces s'arrachent entre 2.000 et 10.000 euros. "Je suis à l'abri de la précarité économique et artistique", assure cet historien de formation, à ceux qui le soupçonneraient de faire "de l'autopromotion sur la commémoration".Dans la foulée des attentats de janvier 2015, les hommages sous forme de tags, graffitis et pochoirs ont inondé les rues de Paris. Lui a préféré attendre: "je ne suis pas à l'aise avec le fait de faire le portrait de quelqu'un qui vient de décéder, j'ai un problème avec la nécrologie immédiate". A l'époque, il réalise une série de 500 pochoirs "Je suis Charlie" qu'il distribue sans signature aux Parisiens "pour qu'ils manifestent eux-mêmes leur adhésion à la liberté d'expression", en les disséminant dans la capitale.
Un an après, son constat est amer: "l'émotion s'est dissipée, on est passé à autre chose, surtout que d'autres malheurs sont survenus". "Sensible à la mémoire", il conçoit sa série de pochoirs comme "un devoir de sauvegarde de toutes les valeurs et les émotions qu'on aurait tendance à oublier". La série pourrait s'enrichir de nouveaux portraits "notamment d'autres Charb dans les lieux qu'il aimait et qu'il fréquentait", annonce ce "catholique et laïc", "fan du militantisme anti-fondamentaliste" du caricaturiste. "Mais je ne compte pas endosser le costume de Robin des Bois des causes justes", prévient celui qui aime se présenter comme "un pov' type qui cherche avant tout à se marrer".
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