Rentrée littéraire : avec "Comédie d'automne", Jean Rouaud raconte son prix Goncourt

Récipendiaire du prix en 1990, pour son roman "Les Champs d'honneur", l'écrivain replonge ses lecteurs dans l'épopée qui a précédé l'obtention du Goncourt. Il était alors kiosquier, et ne s'attendait pas du tout à un tel succès.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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L'écrivain Jean Rouaud, prix Goncourt 1990 pour "Les champs d'honneur", à Paris en février 2020. (BRUNO COUTIER / BRUNO COUTIER via AFP)

Créé par les frères Goncourt en 1903, le Goncourt est l'une des récompenses les plus attendues de la saison des prix littéraires. Et c'est presque par accident, comme d'autres avant lui, que l'écrivain Jean Rouaud raconte l'avoir remporté pour son roman Les Champs d'honneur (1990), dans un récit publié mercredi 30 août. Comédie d'automne, publié en cette rentrée littéraire aux éditions Grasset, est un livre d'un genre déjà connu mais rare : le récit de Goncourt.

Peu de lauréats du plus prestigieux des prix littéraires sont revenus sur cet épisode. Mais tous ces écrivains tirent peu ou prou la même conclusion : on signe un simple livre, puis l'affaire prend des proportions hors de contrôle. Au summum de la réticence, Paul Colin, récompensé en 1950, quand on lui demanda sur quoi porterait son deuxième livre, répondit : "Ah bon, il faut en écrire un autre ?" Il se fit viticulteur et abandonna la littérature après deux romans.

"J'ignorais tout des usages du milieu littéraire"

"J'ignorais tout des usages du milieu littéraire", écrit  Jean Rouaud, en parlant de son premier roman en 1990, Les Champs d'honneur. Ce récit familial est considéré, aujourd'hui encore, comme un coup de maître. À 37 ans, il tenait dans le 19e arrondissement de Paris un kiosque à journaux, profession de "faible prestige". À l’époque, il donnait du crédit à l'estimation des éditions de Minuit, selon lesquelles "nous ne vendrions que 350 exemplaires". L'attachée de presse recommandait l'autre roman publié par Minuit en même temps, "ce que j'ignorais bien sûr". La suite est un enchaînement de circonstances heureuses, retracé avec humour.

La même année, le magazine Lire prépare un dossier sur les autres professions des écrivains. Le modeste kiosquier s'y retrouve "avant même la parution du livre" et ainsi "attire l'attention des critiques".
La presse se montre "enthousiaste", si bien que "les journalistes défilaient au kiosque", se souvient l'auteur. Bernard Rapp invite alors Jean Rouaud pour la première de Caractères, une émission littéraire qui succède à Apostrophes de Bernard Pivot. Des gens reconnaissent l'écrivain dans la rue. Ses rencontres en librairie attirent les foules. Il pose devant Robert Doisneau.

Le président du jury du Goncourt, Hervé Bazin, lui écrit pour demander "très officiellement d'envoyer le livre à toute son équipe" qui ne l'avait pas lu, excepté un juré. L'épilogue de Comédie d'automne, "cet astéroïde médiatique qui me tombait sur la tête", est de ceux que seuls offrent les prix littéraires français - mélange d'intrigues obscures, de coups de Jarnac et de bal des hypocrites. Trente-trois ans après les faits, Jean Rouaud livre un scoop : si l'Académie Goncourt a annoncé s'être décidée au deuxième tour, "en réalité (...) il n'en avait fallu qu'un seul". Pour atténuer l'affront au vaincu.

Un genre à part, assez rare

Avant Jean Rouaud, plusieurs romanciers se sont essayés à raconter le Goncourt. Jean-Louis Bory, primé en 1945, évoque dans Un prix d'excellence (1986) sa rencontre avec Colette, pour remercier la présidente du jury qui l'avait couronné pour Mon village à l'heure allemande. Cette légende de la littérature reçoit avec faste un inconnu de 25 ans qui veut la remercier. Malgré cette récompense, il se suicidera, dépressif, à 59 ans. Dans Le Prix d'un Goncourt (1987), Jean Carrière narre la suite de catastrophes qui ont suivi le succès fou d'un roman qu'il trouvait moyennement réussi, L'Épervier de Maheux (prix Goncourt 1972). Mort du père, maladie de l'épouse puis divorce et enfin dépression.

Pascal Lainé, Goncourt 1974, lui, dénonce le cirque médiatique de la rentrée littéraire dans Sacré Goncourt! (2000). La Dentellière, discrètement paru un jour de février, n'était en rien destiné aux prix d'automne et a occulté tout le reste de son œuvre. Enfin, il y a le cas particulier de Romain Gary qui remporte en 1975, avec La Vie devant soi, le Goncourt... Pour la seconde fois, sous l'hétéronyme Emile Ajar. Dans Vie et mort d'Émile Ajar (1981), paru après son suicide, il ricane de cette consécration dont il ne voulait pas tant, au crépuscule d'une vie tumultueuse.

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