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Un roman pour faire rire les ados : "Les vingt-cinq vies de Sandra Bullot"

"Les vingt-cinq vies de Sandra Bullot" brosse le portrait décapant d'une adolescente d'aujourd'hui, de ses préoccupations (étranges pour les plus de 16 ans) et du regard sans pitié qu'elle porte sur le monde des adultes. Désopilant.
Article rédigé par franceinfo - Laurence Houot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Les vingt-cinq vies de Sandra Bullot, Colas Gutman
 (Laurence Houot/Culturebox)

Sandra Bullot, 16 ans, seconde K.

A la maison, son père au chômage est dépressif. Il se gave de chips et fricote sur internet avec "Natacha 833". Sa mère, comédienne (surnommée Catherine Deneuve) n'est pas foutue de prononcer les deux lignes de texte du téléfilm débile dans lequel elle doit jouer l'inspectrice Duperrey. Son petit frère est affublé d'un prénom improbable : Ao, ("A pour la première lettre de l'alphabet, O pour son groupe sanguin, en cas d'accident ce sera plus simple").

Au lycée, Sandra supporte la présence agaçante de Désirée Rathanavana, "un prototype d'ordinateur testé par l'armée et apparu dans mon salon, un jour de pluie (...) devenue l'autre fille de ma mère. Une fille idéale qui a toujours de bonnes notes et une seule idée en tête : rester la première de la classe". Heureusement il y a sa copine Irène Lara qui trouve toujours les mots pour lui remonter le moral, même si elle "parle aussi bien qu'un joueur de foot". S'ajoute à cela l'arrivée inopinée des mails amoureux et maladroits d'un certain "endive au jambon", dont elle ne sait que faire...

Dans la langue des ados

Sandra se cherche, ne s'aime pas beaucoup, préfère changer de peau. Alors elle s'invente des vies de lombric, caniche royal, tractopelle, dinde aux marrons, fourmi neurasthénique, haricot vert en boîte … avant de finir par se trouver, enfin prête à vivre sa vie de Sandra Bullot.

Ce livre est tout bonnement hilarant. Il décrit avec intelligence les pérégrinations et préoccupations adolescentes, cette période fragile de la vie où naissent les premières amours, où le corps change, où l'autorité parentale s'effrite ... Colas Gutman s'empare des mots des ados sans les singer et invente une langue burlesque et imagée. On pense à l'Agrippine de Bretécher où à la Zazie de Queneau.

Un régal de lecture.

Couverture
 (Marc Boutavant/ L'école des loisirs)
Les vingt-cinq vies de Sandra Bullot
Colas Gutman
L'école des loisirs
161 pages /  8,50 €
12 /16 ans

[ EXTRAIT ]

"Je n'insiste pas. Je nourris Ao. Jambon, pommes noisette. Un tiers dans sa bouche, un tiers dans sa poche (pour jouer aux billes plus tard), le reste à la poubelle. Et mon père ? Il termine son flamby sur sa couette, renversera un peu de caramel sur son oreiller et se réveillera les paupières collées. Parfois je m'imagine vivre chez Désirée Rathanavana. Je suis assise devant un bureau blanc recouvert d'une fine pellicule de vernis. Je révise en écoutant un concerto de Bach, et je ne m'interromps que pour arroser une orchidée sur une table basse. J'enfile un pyjama pied-de-poule. Ma mère vient me border. C'est notre jeu. Mon père dépose un baiser sur mon front et je m'endors, certaine d'être physicienne dans dix ans. Je n'ai pas toujours été mécontente de mon sort. Il y a peu de temps encore, l'originalité de ma famille me procurait une certaine fierté. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être un caniche dans une baignoire, au bord d'un siphon géant."

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