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"Je n'aurais jamais cru possible que Luis Sepúlveda meure un jour" : l'émotion de son éditrice française, Anne-Marie Métailié

La directrice des éditions Métailié avait révélé l'écrivain chilien au grand public en 1992 avec "Le Vieux qui lisait des romans d'amour", son grand best-seller. Elle revient aujourd'hui sur une collaboration de 28 ans, une relation qui va bien au-delà du lien éditeur-écrivain.

Article rédigé par Jules Boudier
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Luis Sepulveda en 1998 au festival de Mantoue (MARCELLO MENCARINI / MARCELLO MENCARINI)

Emporté à 70 ans ce jeudi 16 avril par le Covid-19, l'écrivain chilien laisse derrière lui un patrimoine littéraire et un engagement politique hors du commun. Anne-Marie Métailié, éditrice, avait grandement participé à sa notoriété internationale en 1992 avec la parution du roman "Le Vieux qui lisait des romans d'amour". Elle livre pour nous le souvenir d'un personnage atypique, avec qui elle avait noué une relation particulièrement forte.

Que ressentez-vous à la disparition de Luis Sepúlveda ?

Anne-Marie Métailié : Je me sens cassée... Je n'aurais jamais cru possible que cet homme meure un jour. J'ai perdu un grand ami, et je suis extrêmement triste. Quand nous nous sommes rencontrés il y a 28 ans, nous n'étions rien ni l'un ni l'autre, et ça a changé nos vies. Nous nous sommes tout de suite très bien entendus, et nous avons créé une relation amicale vraiment exceptionnelle et j'ai pu voir grandir sa notoriété. 

Que représente-t-il selon vous, à travers son engagement et sa littérature ?

A-M. M. : C'était un écrivain exceptionnel, très marqué par les dictatures d'Amérique latine. Il avait participé aux combats contre les dictatures en Amérique centrale, puis à la lutte écologique avec Greenpeace. Tout cet engagement était fondamental pour lui, et il le faisait passer à travers ses textes. Je précise que ce n'était pas de la littérature engagée à proprement parler, mais un engagement à travers la littérature.

L'écrivain Luis Sepulveda et son éditrice Anne-Marie Métailié. (ANNE-MARIE METAILIE)

"Le Vieux qui lisait des romans d'amour", c'est le livre qui vous a fait découvrir Sepúlveda...

A-M. M. : Je me souviens que quand je l'ai lu, j'ai failli manquer mon avion. J'étais scotchée dans cette histoire, j'étais transportée et je me suis retrouvée à avoir 14 ans ! C'était pour moi un livre exceptionnel. Après avoir acheté les droits, je savais que les journalistes littéraires ne s'intéresseraient pas à un inconnu, surtout venant de l'autre bout du monde. J'ai donc misé sur les libraires, à qui j'ai envoyé des épreuves qu'ils ont lues, et à travers le bouche à oreille ils se sont mis à le vendre. Le public a réagi de façon immédiate. A ce moment là, Sepúlveda est devenu un auteur à succès en France et le livre s'est vendu dans toute l'Europe. En tout cas, tout le monde est d'accord pour dire que le succès de Sepúlveda est parti de France !

Une histoire, un souvenir marquant de Luis Sepúlveda à nous raconter ?

A-M. M. : La première fois que je l'ai vu, c'était sur le quai de la gare pour partir à Saint-Malo. Une sorte de géant, qui portait un corset de fer et s'appuyait sur des béquilles [...]. Il était atteint d'une tuberculose osseuse qu'il avait contractée pendant sa détention au Chili et lui avait endommagé la colonne vertébrale. Lorsque nous sommes arrivés à Saint-Malo, il s'est produit ce que nous avons baptisé "le miracle de Saint-Malo". Au stand de la librairie où nous étions, les gens ont commencé à venir le voir et acheter son livre. Le lendemain les gens l'arrêtaient dans la rue pour lui parler du livre. Lorsqu'il  est revenu à l'hôpital, son abcès à la colonne vertebrale avait disparu. 

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