Goncourt et Renaudot 2014 : les larmes de Salvayre et le sourire de Foenkinos
Le Goncourt, c'est d'abord une ambiance. Une ambiance qui se sent dès l'arrivée dans la rue du restaurant Le Drouant, investie par les caméras et les dispositifs de direct des télévisions. Puis il y a l'attente de l'annonce des noms des lauréats en bas des marches. Dès les résultats proclamés, tout le monde se précipite dehors, et ça donne ça :
Et quelques minutes plus tard ...
Cette année la lauréate est accueillie sous les applaudissements. Lydie Salvayre pleure pour "Pas pleurer", couronné par le Goncourt à 6 voix contre 4 pour le "Meursault, contre enquête", de Kamel Daoud.
Ensuite tout se déroule selon un scénario chaque année répété, mais toujours dans l'allégresse. Une agitation qui fait systématiquement râler journalistes et cameramans, mais que l'éditeur de Lydie Salvayre, Olivier Bétourné commente, souriant, en montant les marches qui conduisent au salon où les jurés attendent la gagnante : "Mais c'est ça qui est bien, toute cette agitation… Nous les éditeurs, sans le Goncourt on serait malheureux. On vendrait moins de livres", dit-il avant d'exprimer sa joie concernant celui de cette année. "C'est formidable ! Ce prix récompense une grande œuvre".
"Je pense à ma mère, que j'ai mise en sûreté dans ce livre"
Le marathon se poursuit avec la remontée du courant dans le petit salon où siègent les jurés. Les photographes crient le prénom de la gagnante, les cameramans jouent des coudes, les journalistes de radio ronchonnent… La routine quoi.
Puis arrive enfin le plaisir d'avoir réussi à s'approcher de la lauréate, qui répond à la première question qui nous vient, et entendre enfin la voix cassée par l'émotion de Lydie Salvayre, murmurant sourire noyé dans les larmes : "Je pense à ma mère, que j'ai mise en sûreté dans ce livre". Elle parle de Montse, magnifique personnage de ce roman couronné, et l'émotion nous gagne nous aussi.
"Elle le méritait depuis longtemps"
Bernard Pivot juste à côté se félicite de ce choix "Elle a eu le prix non pas parce qu'elle est une femme, mais parce qu'elle a du talent. Elle le méritait depuis longtemps. Evidemment on pense aux trois autres. Mais c'est le jeu. Le Goncourt c'est ça, un quart de joie, trois quart de chagrin. C'est le jeu".
Lydie Salvayre répond patiemment aux mêmes questions répétées par les journalistes qui se relaient à côté de sa chaise. "J'ai du mal. Ça se bouscule dans ma tête. J'avais regardé des vidéos de l'année dernière sur Youtube avec Lemaître. En effet, C'est sauvage" commente-t-elle, avouant avoir du mal à aligner les idées dans ce tumulte.
Elle souligne cependant que ce roman est le récit terrible de la Guerre d'Espagne, la répression franquiste, racontée par la voix de Bernanos, et qu'il fait aussi entendre une autre voix, celle de sa mère, et de l'émancipation qui a eu lieu pendant cet épisode. "C'est paradoxal, mais c'est comme ça", explique Lydie Salvayre. C'est un livre sur ses origines, aussi, "Je n'ai plus de liens avec l'Espagne. Mon père a rompu les liens avec la famille restée là-bas. Mais l'Espagne a toujours été là en moi. Pendant longtemps je n'ai pas voulu ouvrir cette porte, comme les enfants qui n'osent pas poser de questions…"
Les journalistes continuent à s'agglutiner autour d'elle, reposant indéfiniment les mêmes questions. Certains s'énervent. Bernard Pivot s'impatiente. "Bon, je vois que vous êtes un peu palots, il est temps de manger", annonce-t-il en tapant dans ses mains comme un maître d'école. Hop hop hop ! Les journalistes sont invités à sortir.
"Une petite barrière à escalader"
Dans le couloir, Franz-Olivier Giesbert commente le Prix Renaudot attribué cette année à David Foenkinos : "Pour une fois ça s'est passé sans éclat de voix", raconte le journaliste, "C'est un auteur qui a un très large registre. Il est capable de parler de choses très graves avec légèreté, avec une écriture qui lui appartient vraiment. Là, avec "Charlotte", il aborde un sujet plus difficile et c'est encore une fois réussi. C'est un très bon écrivain". Sur la forme du roman, il avoue avoir été surpris "Au début, j'ai eu une réaction de rejet. Mais finalement c'était comme une petite barrière à escalader, et ensuite je suis entré dans l'histoire, dans le style, dans le ton", conclut-il.
Le lauréat arrive un peu plus tard. Souriant et décontracté et affirme (un peu surpris par cette question, dit-il) ne pas du tout être déçu de ne pas avoir eu le Goncourt. "Je suis très heureux, c'est un très beau prix et surtout particulièrement heureux d'être récompensé pour ce livre que j'ai commencé à écrire il y a très longtemps. Pour lequel j'ai fait une longue enquête. Et je suis heureux parce que cela contribuera à faire connaitre l'œuvre de Charlotte Salomon. Et tout ce qui va dans ce sens me rend heureux", dit il avant de rejoindre les membres du jury Renaudot, qui l'accueillent avec des applaudissements.
Les portes se ferment. Fin du marathon, jusqu'à l'année prochaine.
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