Expo Combas : interview de Thierry Raspail, directeur du Mac de Lyon
Comment est née l’idée de cette rétrospective Combas ?
Comme quelques-uns, j’ai assisté aux premières apparitions de Robert Combas dans les années 80… Tout le monde était enthousiasmé, et puis je l’avais un peu oublié. Et là, depuis une dizaine d’années, je regardais régulièrement le travail de Combas, et j’ai observé que son œuvre était de mieux en mieux, sa peinture formidable. Je l’ai donc appelé il y a environ deux ans pour lui demander s’il serait d’accord pour une rétrospective et je lui ai dit deux choses pour le convaincre : « j’aimerais que tu sois dans l’expo pendant au moins deux mois, que tu crées ton atelier pour continuer à peindre ici » … Et il a dit oui !
Je lui ai dit aussi que j’aimerais qu’on fasse un lien avec la musique parce que curieusement, on n’a jamais vu son œuvre sous cet angle, alors que depuis le début, il est dans le rock, il collectionne les disques. J’ignorais alors que depuis deux ans, il faisait sérieusement de la musique. Il m’a envoyé quelques-uns de ses disques ; dans un premier temps j’ai trouvé ça moyen. Je lui ai dit, donc je me suis fait réprimander pour ne pas employer un autre mot ! Mais il m’en a envoyé d’autres et j’ai surtout trouvé ça formidable quand j’ai vu les images qui allaient derrière, ces espèces de vagues moments de cinéma entre Méliès et les frères Lumière, où Combas joue sur ses propres morceaux en play back, et toute la rétrospective est orientée sur ce lien entre image et musique.
Comment avez-vous conçu la scénographie de l’expo ?
On a une grande chance, à Lyon, c’est que le musée est assez modeste en superficie, nous n’avons que 3000 m2, mais nous n’avons aucun mur. Pour chacune des expos, nous construisons et reconstruisons indéfiniment comme un chantier permanent un nouveau parcours. Avec Robert, l’idée était d’être dans le vivant, le spontané, de rendre compte de cette vie formidable qui émane de ses œuvres. Il nous a bien aidé et lors d’une visite à mi-parcours, on s’est dit : c’est parfait, on arrête là. Donc, tout le premier étage est une espèce de lieu de chantier : les murs sont achevés, mais pas peints ou partiellement… L’idée était donc de montrer que l’œuvre n’était pas achevée, comme si on était dans l’atelier de l’artiste.
Après, il y a des grands rassemblements par thèmes : les batailles, les couples, les femmes… Mais on a surtout essayé d’avoir beaucoup de fluidité pour que le public ait à la fois le sentiment que l’œuvre est cohérente, mais sans qu’on ait le sentiment d’ennui et de « clôture ». Chaque salle a sa propre atmosphère : certaines sont achevées, d’autres pas, et une salle sur deux est « musicalisée » : soit avec la playlist de Robert Combas, qui est un fabuleux collectionneur ayant plus de 7000 disques, soit avec la propre musique de Robert.
Comment définiriez-vous le travail de Combas ?
Combas est un peintre fabuleux qui a une très grande qualité : il absorbe toutes les images, qu’elles soient populaires, télévisuelles… Même des images mentales d’argot ou des images érudites, qu’on découvre dans l’histoire de l’art, et il fait un mix de tout ça. C’est quelqu’un qui regarde le monde avec des yeux d’enfant, mais un enfant qui a tantôt 40 ans, tantôt 52 ans, qui est Français, puis de Singapour… Donc, il fabrique une espèce de « culture monde ».
Ses peintures sont très colorées, avec un sens de la mise en scène formidable, très simples à décrypter car c’est une peinture narrative qui raconte des histoires… Des histoires qu’il retranscrit sur les cartons qui accompagnent les toiles, avec des textes parfois sous forme de poèmes, dont la grammaire n’est pas toujours recommandables pour des élèves de CM2 ! C’est donc très simple mais un historien d’art très sérieux, qui connaît tout de l’art occidental, reconnaîtra dans son travail toute l’histoire de l’art : les odalisques de Matisse, un travail très sérieux autour de l’idée de l’art et de la construction de l’image. Mais ça, jamais Robert ne l’avouera. Il se contentera de dire : « j’ai fait comme ça, c’est tout ! » En fait, il est comme un disque dur qui contient l’encyclopédie de toutes les images qu’il recrache après les avoir absorbées.
Cet atelier de création en live : c’est assez unique comme expérience ?
L’idée est très simple : Robert est un peintre de la vie, c’est quelqu’un qui ne s’arrête jamais, il peint tout le temps. Et c’est vrai qu’une rétrospective, ça n’est jamais marrant, il y a un côté « figé », « aboutissement », et Robert n’aurait pas accepté ça. Pour lui, rien n’est figé, les choses bougent sans arrêt et la seule solution c’était qu’il soit là: son atelier fait partie intégrante de l’exposition. Pendant deux mois, il continue à peindre et si des nouvelles peintures sortent, on les accrochera dans les salles. Au bout de ces deux mois, il repartira et l’atelier sera visitable par le public.
En attendant, c’est vrai que pendant les deux mois où Combas sera là, le public regardera le peintre à travers des vitres sans tain. Ça a un côté un peu « zoo », « voyeur », mais bon… Robert a accepté de se prêter à l’exercice. Il va être 24h sur 24h sous les caméras car il veut garder de l’archive pour en faire quelque chose. J’espère que ce côté voyeur ne sera pas trop présent et que c’est plutôt l’idée de la création permanente qui va survivre.
Robert Combas "Greatest hits" au Musée d'Art Contemporain de Lyon du 24 février au 15 juillet 2012
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