Etonnants Voyageurs: coup de projecteur sur trois auteurs invités à Saint-Malo
Depuis vingt-deux ans, les amoureux du livre se donnent rendez-vous à Saint-Malo, le week-end de Pentecôte, pour le plus ouvert et le plus passionné des festivals de littérature.
Sous la direction de Michel Le Bris, féru de romans d'aventure, "Etonnants voyageurs" s’est imposé comme le festival de la littérature d'ici et d'ailleurs, du réel et de l'imaginaire, du romanesque et du réalisme.
Dans un menu riche et gourmand, quels auteurs recommander, parmi les dizaines d'écrivains attendus ? Petite sélection subjective de trois d'entre eux.
Vent d'Est : Cécile Ladjali avec "Aral"
Finaliste pour le prix Ouest-France Etonnants voyageurs et annoncée à Saint-Malo, Cécile Ladjali a publié début janvier (chez Actes Sud) "Aral", magnifique histoire d'amour entre un violoniste virtuose devenu sourd et son amie d'enfance, la belle Zena.
Une passion de toujours entre deux enfants grandis au fond du désert, près d'une mer qui disparaît, sur fond de déliquescence de l'empire soviétique.
Qu'importe que la romancière française ne se soit pas rendue en mer d'Aral avant d'écrire son livre ? Son Kazakhstan rêvé et cauchemardé, fable sur l'art, la littérature et la solitude, n'en enflamme que davantage l'imagination du lecteur. Souhaitons que la cité malouine la récompense, comme elle le mérite.
Révolutions arabes : Alaa El Aswany avec "Chroniques de la révolution égyptienne"
Il y a dix ans paraissait "L'immeuble Yacoubian", dont le succès - le livre de l'égyptien Alaa El Aswany est rapidement devenu un best-seller dans le monde arabe - aurait dû inquiéter le président égyptien Hosni Moubarak.
Car tous les ingrédients qui allaient servir de catalyseur à la la révolution égyptienne y étaient décrits sans fard, sous le paravent de la fiction : les inégalités criantes d'un pays ravagé par la pauvreté et la corruption. Et l'islamisme volontiers perçu comme unique recours par une jeunesse démunie que scandalise l'injustice et le népotisme.
Dans "Chroniques de la révolution égyptienne" , Alaa El Aswany revient sur ces mois de janvier et février 2011 qui ont balayé une dictature trentenaire. Avec lui, Saint-Malo rend justice à un des héros de la place Tahrir devenu héraut de la Révolution du Nil.
Haïti au coeur : Lyonel Trouillot avec "La belle amour humaine"
Entre les écrivains haïtiens et le festival Etonnants voyageurs, qui se décline depuis cinq ans dans l'île, s'est nouée un lien indéfectible, encore renforcé il y a deux ans.
S'en souvient-on ? Lors du terrible séisme qui a ravagé Haïti, en janvier 2010, la terre a tremblé juste avant que ne débute à Port-au-Prince le festival littéraire.
Depuis, il ne saurait y avoir d'édition bretonne d'"Etonnants voyageurs" sans auteurs haïtiens. Ce pays minuscule et sans ressource regorge d'artistes, de poètes et d'écrivains. A Saint-Malo, il y aura évidemment Dany Laferrière, qui vit au Canada, mais aussi et surtout Lyonel Trouillot.
L'auteur du bouleversant "Yanvalou pour Charlie" -déchirant récit d'un gamin paumé de Port-au-Prince- aura dans sa besace malouine un livre inventaire tout neuf ("Objectif l'autre", éditions André Versaille) et son dernier roman, "La belle amour humaine" (Actes Sud). Une quête des origines familiales dans un village perdu de pêcheurs. Sur fond de règlement de compte et d'injustice raciale et sociale persiste, envers et contre tout, la possibilité du bonheur.
Survivant du séisme et des dictatures, plume vive et lyrique, Lyonel Trouillot reste d'évidence une des figures phare de cette littérature-monde dont Saint-Malo entend, encore et toujours, se faire caisse de résonnance.
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