Cet article date de plus d'un an.

"On vit dans un monde en désordre" : Florence Aubenas publie "Ici et ailleurs", morceaux choisis de son travail de journaliste

La journaliste publie une sélection de ses articles parus dans le Journal Le Monde entre 2015 et 2022.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
La journaliste et ecrivain Florence Aubenas lors du festival litteraire Mots pour Mots organise a la Villette. par Le Monde, L Obs, Telerama et France Inter. Paris, France, le 12 juin 2022 (SADAKA EDMOND/SIPA / SIPA PRESS SIPA)

Qu'elle promène son stylo dans l'Ukraine assaillie ou dans un hypermarché de Lozère, la grande reporter Florence Aubenas prend le pouls d'un "monde en désordre", en s'attachant à l'"ordinaire" et ses petites histoires qui font la grande. Attentats, crise des "gilets jaunes", confinement... Le tumulte des huit dernières années agite les pages d'Ici et ailleurs, recueil d'articles de la journaliste parus dans Le Monde entre 2015 et 2022, en librairies depuis le 3 février.

Une période où "le mot guerre revenait sans cesse", explique Florence Aubenas à l'AFP, lunettes de vue relevées sur sa tête blonde, dans le bureau parisien des éditions de L'Olivier. "Cela revenait pour le Covid, pour les attentats, pour l'agriculture, pour l'Ukraine évidemment... Et, donc, on a travaillé autour de ce fil rouge, l'entrecoupant d'histoires qui n'avaient rien à voir et tenaient en elles-mêmes".

Comme celle de cette trentenaire vivant seule dans les bois dans les Cévennes, qui lui a valu le plus grand nombre de courriers de lecteurs de toute sa carrière. "On vit dans un monde en désordre", constate la reporter née à Bruxelles, il y a 62 ans.

Raconter l'Histoire par le "biais des hommes et femmes"

"On me demande souvent si la guerre ne me fait pas peur, mais le temps au front doit représenter 20% du temps que je passe en Ukraine", ajoute-t-elle au retour de sa cinquième mission sur place, où elle compare son travail à celui d'une "fourmi" ou d'un "ver de terre".

Raconter l'Histoire par le "biais des hommes et femmes" comme tout le monde, la démarche s'applique aussi loin des conflits armés, comme lorsqu'elle retrace la descente aux enfers d'un agriculteur français tué par des gendarmes. Ou s'immerge plusieurs semaines dans un Hyper U à Mende (Lozère) en 2019, une initiative saluée à l'époque par la profession. "Parler de l'ordinaire, c'est une chose qu'on n'arrive pas à faire ou difficilement dans la presse", concède-t-elle. "Aujourd'hui, il y a d'énormes manifestations en Angleterre (...) mais on le voit moins que les obsèques de la reine d'Angleterre et c'est un peu dommage". Le mouvement des Gilets jaunes, "cette colère populaire hors de tout cadre", était "compréhensible, on aurait pu le deviner en sortant un peu plus", juge la journaliste, elle-même "surprise" à l'époque. 

Le milieu journalistique manque-t-il de diversité ? "Oui, bien sûr", même si "la barrière existe des deux côtés", répond Florence Aubenas, qui a coordonné pendant quatre ans la "Monde Académie", lancée par son journal pour former des jeunes d'horizons variés et renouveler le profil des rédactions.

"Comblée" par son statut de "journaliste"

L'autrice du Quai de Ouistreham, où elle s'est fait passer pour une chômeuse et a travaillé comme femme de ménage, adapté sur grand écran par Emmanuel Carrère, a récemment connu un grand succès en librairie avec L'inconnu de la Poste. Cette enquête sur le meurtre d'une postière de l'Ain, pour lequel l'acteur disparu Gérald Thomassin fut un temps soupçonné, s'est écoulée à 220 000 exemplaires depuis 2021 et se lit comme un roman. Pas de quoi la ranger dans la catégorie "littérature", assure celle qui est passée par Libération et le Nouvel Observateur et est "comblée" par son statut de "journaliste", malgré "la crise de confiance" à l'égard de la presse, qui doit selon elle "se réinventer".

Elle n'a jamais écrit sur son enlèvement en Irak, qui l'a révélée au grand public en 2005. Par "orgueil" et pour ne pas rendre ce service à ses geôliers, qui lui disaient qu'elle "publierait un livre à sa sortie et serait célèbre comme Lady Di". "J'ai rarement éprouvé de la haine mais, là, je suffoquais de rage", relate-t-elle. Et la journaliste de rappeler qu'elle n'a été otage que "157 jours" alors que les Ukrainiens "sont en guerre depuis un an" : leur condition est souvent "bien pire que la mienne".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.