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En Algérie, "le mur de la peur a été cassé", se réjouit l'écrivain Kamel Daoud

L'auteur algérien Kamel Daoud salue l'esprit de rébellion qui anime son pays depuis la décision annoncée du président Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, de briguer un cinquième mandat. L'écrivain a estimé vendredi que ses concitoyens qui manifestent "ne reculeront plus" malgré les risques de violence. L'écrivain Yasmina Khadra exprime, lui, son "bonheur", alors que Boualem Sansal se dit "inquiet".
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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L'écrivain Kamel Daoud à la Foire du livre de Francfort (20 septembre 2017)
 (Yann Bohac / Sipa)
Comme Kamel Daoud sur RTL, plusieurs écrivains algériens se félicitent vendredi dans les médias français de cette contestation inédite depuis plusieurs années, tout en craignant la répression d'un mouvement qui fait suite à la décision controversée du président, annoncée le 10 février dernier, de se représenter lors de la présidentielle du 18 avril. Abdelaziz Bouteflika, dont la santé défaillante fait l'objet de toutes les rumeurs depuis des années, est au pouvoir depuis 1999.

"C'est extraordinaire de sentir cette sorte de frisson, d'enthousiasme"

"Le principal changement, c'est le fait que les gens n'ont plus peur. Ce qu'on appelle communément le mur de la peur a été cassé et c'est extraordinaire de sentir cette sorte de frisson, d'enthousiasme, cette sorte de joie", a déclaré Kamel Daoud sur RTL, en ligne depuis Oran. "Les gens ne se sentent plus terrorisés, et je choisis bien mon mot." Il a ajouté : "Je pense que l'écrasante majorité des Algériens ne reculeront plus."

"Mais d'un autre côté, le régime n'a pas de sortie de secours, pas de plan B pour le moment, et la tentation de la violence est là", a noté l'écrivain, soulignant la "volonté évidente (du régime) de terroriser les Algériens et de les immobiliser par ce chantage +soit nous, soit le chaos, soit nous, soit la guerre civile+". Côté gouvernement, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a mis en garde jeudi contre un scénario comparable à la Syrie, pays en guerre depuis 2011.

"J'espérais ce mouvement, mais je ne l'attendais pas", reconnaît l'écrivain Yasmina Khadra

"Il faut être sincère, j'espérais ce mouvement, mais je ne l'attendais pas car les Algériens nous ont habitués à beaucoup de renoncements. Pendant des années, j'ai écrit que l'Algérie avait renoncé. Quel bonheur de m'apercevoir que je me trompais", commente dans le Parisien un autre écrivain algérien, Yasmina Khadra, qui vit en France.

Le régime "va tout faire pour calmer les esprits. Mais les Algériens sont fatigués. Ils ne veulent plus voir leurs enfants traverser la Méditerranée sur des bateaux de fortune et mourir au large", ajoute-t-il.

"Le pouvoir ne tombera pas", estime Boualem Sansal, "inquiet"

Pour Boualem Sansal, "le pouvoir ne tombera pas". "Il contrôle totalement le pays et dispose de tous les moyens et d'abord de la détermination pour abattre quiconque approcherait la ligne rouge", estime l'écrivain dans un entretien au Figaro.

"Quand le pouvoir se sentira acculé, il fera ce qu'il a toujours fait quand le peuple bouge et le déborde, il plongera l'Algérie dans le désordre et la violence, et au moment propice (...) il fera toutes sortes de bonnes concessions et de beaux cadeaux pour imposer la paix sociale", prédit-il. C'est malgré tout "réjouissant de voir les gens sortir de leur longue et insupportable léthargie. Je m'efforce de le ressentir cet espoir fou qui se répand sur le pays comme au sortir d'un long cauchemar, mais c'est difficile, l'inquiétude est plus forte chez moi."

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