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Du côté de chez Drouant, plongée palpitante au coeur du Goncourt

En 2014, cela fera un siècle que le Goncourt sacre chez Drouant le lauréat du plus convoité des prix littéraires, au fil d'une histoire riche en coups de théâtre et coups de tête racontée par Pierre Assouline dans un livre passionnant.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Le jury du Goncourt en 1948, avec au centre l'écrivain Colette
 (AFP)

Ecrivain, journaliste et critique littéraire, l'auteur de "Du côté de chez Drouant" (Gallimard/France Culture) a lui-même rejoint le jury en 2012, en même temps que Philippe Claudel. Au terme d'une enquête fouillée dans les archives de l'académie Goncourt, la presse de l'époque et les journaux intimes d'écrivains, Pierre Assouline fait revivre chaque prix Goncourt, depuis le premier décerné le 21 décembre 1903 à John-Antoine Nau, jusqu'à celui qui couronna Jérôme Ferrari l'an dernier.

Le restaurant Drouant accueille l'académie Goncourt depuis 1914. Le lauréat 2013 sera connu le 4 novembre à 12H45. Et les "goncourables", terme entré cette année dans Le Petit Robert, sont eux déjà dans leurs petits souliers... Les "Dix" se réunissent chaque premier mardi du mois dans le salon en rotonde situé au 1er étage de chez Drouant, autour d'un déjeuner et d'une grande table ronde, d'où le nom de "couvert" attribué aux jurés. Après un été studieux de lecture de la rentrée littéraire, ils y délibèrent à trois reprises, avant le jour J de la proclamation du prix.

Durant ses 110 années d'existence, le Goncourt a connu des cuvées plus goûteuses que d'autres: Proust en 1919, Malraux en 1933, Simone de Beauvoir en 1954, Marguerite Duras en 1984, Houellebecq en 2010, pour n'en citer que quelques-uns. Mais aussi des auteurs tombés dans l'oubli. C'est pourquoi Pierre Assouline (10e couvert) s'attarde sur certains millésimes et en effleure seulement d'autres.

Il raconte avec jubilation les délibérations homériques, les jeux de pouvoir en coulisse, les anciens jurés hauts en couleur, mais aussi les consécrations et les favoris éconduits. En 1903, Emile Faguet, membre de l'Académie française, avait baptisé "académiette" la Société littéraire des Goncourt, sa première appellation. Un antagonisme historique puisque le Goncourt avait été fondé en réaction à l'institution du Quai Conti, dont les 40 membres sont désignés par des "fauteuils" plus académiques.

Buzz et soupçons

Précédé de rumeurs, entouré de secrets, suscitant convoitises et polémiques, le Goncourt reste un rendez-vous incontournable de la vie littéraire française. C'est aussi une manne pour le lauréat, assuré de vendre son roman entre 100.000 et 500.000 exemplaires. Généreuse, l'académie octroie aussi à l'heureux élu un chèque... de 10 euros. "Un prix peut changer une vie, ce qui est un avis d'auteur. La bouleverser, pour le meilleur et pour le pire.

Le jour de sa proclamation, et les semaines suivantes, le lauréat se découvre soudain beaucoup d'amis, et même de nouveaux amis d'enfance", sourit Pierre Assouline. Le jury, pour sa part, est soupçonné des pires turpitudes: jurés corrompus par les éditeurs, magouilles, trafics d'influence, complaisance... Assouline s'en défend. "C'est devenu un poncif journalistique", dit-il. D'ailleurs, depuis 2008, il y a incompatibilité entre la qualité de juré et une fonction rémunérée dans une maison d'édition. "Ce qui paraît la moindre des choses mais n'alla pas de soi pendant longtemps", reconnaît l'auteur.

Cependant, la polémique a du bon, elle "maintient vivante l'académie que ses détracteurs voudraient enterrer", dit-il. Lorsque François Nourissier a été coopté dans ses rangs, Michel Déon l'a prévenu: "Si tu acceptes, tu vas en prendre plein la gueule pendant des années". Nourissier avait relevé le défi. Beaucoup de fébrilité et d'effervescence, sans doute, au menu du 4 novembre chez Drouant. Mais, comme le conclut Pierre Assouline: il faut "séparer les livres du bruit qu'ils font".

 
Du côté de chez Drouant. Cent dix ans de vie littéraire chez les Goncour, Pierre Assouline (Coédition Gallimard / France Culture Hors série Littérature, Gallimard - 224 pages - 16,90 euros)


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