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"Les Triomphes", célèbres poèmes d'amour de Pétrarque, illustrés par le vitrail de l’Aube au XVIe siècle

Le poète italien Pétrarque (1304-1374), premier des grands humanistes, est notamment connu pour ses poèmes d’amour en langue dite "vulgaire". La maison Diane de Selliers propose une nouvelle et magnifique édition des "Triomphes", œuvre que l’auteur a écrite tout au long de sa vie. Un ouvrage illustré avec des éléments d’un vitrail de l’église d’Evry-le-Châtel (Aube).
Article rédigé par franceinfo
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"Les Triomphe de Pétrarque illustrés par le vitrail de l'Aube au XVIe siècle", éditions Diane de Selliers
 (Editions Diane de Selliers)

On n’a pas forcément l’habitude d’avoir en main un si beau et grand livre (également très cher parce que très beau !), relié sous coffret à tranche bleue. “Les Triomphes” ("Trionfi") sont un long poème allégorique, dont les éditions Diane de Selliers ont choisi de présenter une nouvelle traduction. Celle-ci est réalisée par Jean-Yves Masson, professeur à la Sorbonne.

Pétrarque, qui a exercé une influence prépondérante sur la littérature européenne, est connu comme un poète de l’amour. Lui qui, toute sa vie, a éprouvé et chanté un amour impossible pour Laure, jeune dame noble déjà mariée. C’est en 1338, onze années après sa rencontre avec la bien-aimée, qu’il a commencé la rédaction des “Triomphes”, traduit en français dès le XVe siècle. Il est alors âgé de 34 ans. Il en reprendra l’écriture une vingtaine d’années plus tard, dix ans après la mort de Laure, emportée par l’épidémie de peste noire qui ravage alors l’Europe.
 
Rédigé à une époque très sombre qui aurait vu disparaître entre 30 et 50% de la population européenne, le poème est rédigé en six cycles symboliques : l’Amour, la Chasteté, la Mort, la Renommée, le Temps et l’Eternité. Il s’agit ainsi de dessiner un chemin spirituel (pour ne pas dire métaphysique) qui va de l’amour charnel à l’amour sacré. Une sublimation, aurait pu dire Freud. 

Le Triomphe de la Chasteté, vitrail de 1502, église Saint-Pierre-ès-Liens, Evry-le-Châtel
 (Christophe Deschanel)
Le livre devient ainsi, comme l’explique l’éditeur, un chant “des tourments de la vie humaine, qui rappelle la fragilité de cette dernière”. “Je sais comment amour dans notre esprit en rugissant chasse toute raison, et de quels maux un cœur est dévoré”, écrit Pétrarque qui sait apparemment de quoi il parle. Un amour vu donc, dès le départ, comme le commencement de "si longs martyrs". Et "Les Triomphes" de s’achever avec ces vers :

Quand elle aura retrouvé sa beauté,
si qui la vit sur terre fut heureux,
qu’en sera-t-il de la revoir au ciel !”

En clair, le triomphe de l’éternité effacera tous les maux...

Somptueux vitrail 

Un tel texte, venu de la fin du Moyen-Age, n’est pas forcément aisé à comprendre de nos jours. Mais sa lecture est facilitée par les commentaires et notes du traducteur qui en expliquent le contexte. 
Triomphe de la Renommée, vitrail de 1502, église Saint-Pierre-ès-Liens, Evry-le-Châtel 
 (Christophe Deschanel)
De plus, l’éditeur a eu l’excellente idée d’illustrer le poème par des photos (signées Christophe Deschanel) d’un somptueux vitrail, réalisé en 1502 et provenant de l’église de Saint-Pierre-ès-Lien à Evry-le-Grand, près de Troyes (Aube). Une localité qui était alors l’une des villes-étapes des marchands se rendant aux célèbres foires de Champagne.

Le vitrail (dont on ignore apparemment l’auteur) est lui-même une illustration des “Triomphes”, unique en son genre. Sa présence dans l’édifice religieux prouve bien que le message véhiculé par Pétrarque s’inscrivait parfaitement dans celui diffusé par l’Eglise catholique d’alors! L’œuvre a été commandée et offerte par une certaine Jehanne Leclerc, qui, inconsolée, pleurait la mort de son époux, Pierre Girardin. Elle avait donc lu tout ou partie du texte de Pétrarque et éprouvé du réconfort dans ce poème d’amour. Très symboliquement, Jehanne s’est elle-même faite représenter vêtue de sa robe de deuil aux côtés de la Vierge, en train de regarder son époux, en quelque sorte pour l’éternité... 
Triomphe de l'Eternité, vitrail de 1502, église Saint-Pierre-ès-Liens, Evry-le-Châtel 
 (Christophe Deschanel)
Aidé par des commentaires d’historiens d’art, le lecteur a ainsi l’occasion de découvrir un exemple du très riche patrimoine médiéval de l’Aube. Et, au-delà, un exemple de l’art des maîtres verriers locaux. Le département possède ainsi plus de 1000 vitraux recensés, dont certains sont présentés dans le livre. Il a d’ailleurs ouvert à Troyes, chef-lieu de l’Aube, une Cité du vitrail, installée dans l’enceinte de l’Hôtel-Dieu-le-Comte, édifice du XVIIIe siècle. Un lieu où est exposée, jusqu’en janvier 2019, la verrière d’Evry-le-Grand, déposée pendant la restauration de l’église.

“Les Triomphes de Pétrarque illustrés par le vitrail de l’Aube au XVIe siècle”; éditions Diane de Selliers; 324 pages; 195 euros.

Portrait de Pétrarque (Francesco Petrarca) (1304-74). Peinture de Andrea del Castagno (1410-1457). Musée des Offices, Florence.
 (AFP - Battaglini/Leemage)

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