Marguerite Duras par Laure Adler : l'album d'une vie dans un très beau livre
"Je ne sais plus qui est Marguerite Duras. C'est une femme qui a eu différents visages selon les âges de la vie et ceux-ci se superposent sans cesse dans ma mémoire, créant un brouillard d'images, de stratifications, de sédimentations comme une coupe géologique", nous dit Laure Adler en préambule.
Ce beau livre est une somme de textes, archives connues et inédites. Conçu comme l'album d'une existence, il est articulé autour de 5 parties qui découpent la riche vie de Marguerite Duras, auteur majeur du XXe siècle, dont on fête cette année le centenaire de la naissance.
Laure Adler avait écrit en 1998 la biographie de Marguerite Duras. Elle dresse aujourd'hui un portrait en images, un portrait physique, pourrait-on dire, explorant les "différentes strates" de sa vie et de son œuvre à travers les empreintes laissées sur son passage.
Un portrait en images
Photographies, manuscrits, notes, correspondances, petits mots laissés sur une table, extraits de textes accompagnant les images, comme des légendes griffonnées sur les pages d'un album de famille… Autant d'éléments juxtaposés, qui composent une partition d'où émerge la figure d'un être profond, et la construction d'une œuvre.
L'enfance, la mère, l'adolescence, l'écriture, l'Indochine, les livres et l'amour, le théâtre, le journalisme, Trouville et la rue Saint-Benoît, l'amitié, la douleur et la solitude… Tout est là. Qui donne furieusement envie de relire les romans de Duras, de voir ses films, de se plonger avec délices dans l'œuvre de ce grand écrivain.
"Je n'ai jamais menti dans un livre.", voilà par quelle citation Laure Adler a choisi de commencer. Manière de rappeler que c'est là avant tout qu'il faut chercher la vérité de Duras. Un très bel hommage.
Marguerite Duras Laure Adler (Flammarion - 256 pages - 300 illustrations - 39,90 Euros).
Les archives sont issues de l'IMEC et de différents fonds photographiques.
Extraits
LA MERE
"Je n'ai ni maison familiale, ni jardins connus, ni camarades qu'on voit grandir. Rien de tout cela. Vous vous demandez ce qu'il reste? Ma mère. Pourquoi me le cacher?" (Cahiers de la guerre et autres textes 2006).
LA JEUNE FILLE
"J'ai quinze ans, je porte une robe de soie naturelle, elle est unie, presque transparente […] Ces talons hauts sont les premiers de ma vie, ils sont beaux, ils ont éclipsé toutes les chaussures qui les ont précédés, celles pour courir et pour jouer, plates, de toile blanche" (L'amant – 1984).
L'ECRITURE
"Ecrire ce n'est pas raconter des histoires. C'est le contraire de raconter des histoires. C'est raconter tout à la fois. C'est raconter une histoire et l'absence de cette histoire. C'est raconter une histoire qui en passe par son absence" (La Vie matérielle, 1987)
LA MAISON
"La clé est sous le paillasson, ta Duras". Un petit mot laissé à Edgar Morin au 5 rue Saint-Benoît.
"La maison a toujours été pour moi un lieu ouvert, où il faut laisser passer l'air extérieur. Pendant toute ma vie, alors que je vivais seule, et je n'ai fermé la porte que tard le soir." (Marguerite Duras, La passion suspendue, entretiens avec L. Pallotta della Torre, 2013).
LA MATERNITE
"J'ai beaucoup parlé de l'amour maternel puisque c'est le seul amour que je connaisse comme étant inconditionnel. C'est celui qui ne cesse jamais, qui est à l'abri de toutes les intempéries. Il n'y a rien à faire, c'est une calamité, la seule du monde, merveilleuse." (Le monde extérieur – Outside 2, 1993).
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.