La Botanique de Rousseau, l'amour des plantes d'un philosophe des Lumières
"Je ne connais point d’étude au monde qui s’associe mieux à mes goûts naturels que celle des plantes, et la vie que je mène depuis dix ans à la campagne n’est guère qu’une herborisation continuelle", confiait J.J. Rousseau dans Les Confessions (livre V).
Rousseau se découvre une passion pour les fleurs à partir de 1762. La condamnation de d'"Emile, ou De l'éducation", en juin 1762, l'oblige à se réfugier à Môtier, principauté prussienne de Neuchâtel "pays plein de curiosités naturelles qu'on ne découvre que peu à peu, et qui par ces découvertes successives lui donnent chaque jour l'attrait de la nouveauté.", écrit-il à son ami le maréchal du Luxembourg en janvier 1763.
Les plantes expliquées aux enfants
Entre 1771 et 1774, il adresse à Mme Delessert une série de lettres sur la botanique, destinées à initier sa petite fille âgée de 5 ans à la connaissance et à l'amour des fleurs. "Votre idée d'amuser un peu la vivacité de votre fille, et de l'exercer à l'attention sur des objets agréables et variés comme les plantes, me paraît excellente." Pour Rousseau, il s'agit autant d'apprendre "à bien voir ce que l'enfant regarde", autant que lui enseigner la nomenclature des fleurs.
Les descriptions de Rousseau sont à la fois scientifiques - il met un soin maniaque à décrire les fleurs, pétales, pistiles - mais traduisent aussi son amour de la nature. "Quand les premiers rayons du printemps auront éclairé vos progrès, en vous montrant dans les jardins les Jacinthes, les Tulipes, les Narcisses, les Jonquilles et les Muguets, dont l'analyse vous est déjà connue, d'autres fleurs arrêteront bientôt vos regards et vous demanderont un nouvel examen."
La sensualité des plantes
Rousseau invite à une observation active, où il s'agit de manipuler, décortiquer, observer, en vrai. Il décrit joyeusement cette nature, avec poésie et sensualité :"Après avoir bien examiné ce pétale, tirez-le doucement par-dessous en le pinçant légèrement par la quille, c'est-à-dire par la prise mince qu'il vous présente, de peur d'enlever avec lui ce qu'il enveloppe. Je suis sûr qu'au moment où ce dernier pétale sera forcé de lâcher prise, vous ne pourrez, en l'apercevant, vous abstenir de faire un cri de surprise et d'admiration."
La Giroflée, la digitale pourpre, le Lys, l'Origan, la Marjolaine, les Pâquerettes ou les Marguerites … Rousseau est intarissable et montre un enthousiasme presqu'enfantin à partager sa passion des fleurs, si bien qu'on n'hésite pas à le croire quand il affirme : "Je vais devenir plante moi-même un de ces matins".
"La botanique de Rousseau", éditée aux Editions PUF, collection Sources, publie ces lettres dans une magnifique édition fac-similé de l'ouvrage de Jean-Jacques Rousseau, paru en 1822, avec plusieurs autres textes de Rousseau sur les plantes et l'herborisation, et les "fragments pour un dictionnaire des thèmes d'usage en botanique. Ajouté à cela 65 planches peintes par Pierre-Joseph Redouté, surnommé le "Raphaël des fleurs".
La botanique de Rousseau, Planches de Pierre-Joseph Redouté, avant propos de Jean Starobinski, introductions de Alain Grosrichard et Jean-Marc Drouin. (Editions Puf, Collection Sources/ Fondation Bodmer), 376 pages / 39 Euros.
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