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Grandir avec des parents homosexuels : la parole aux fils de ...

30 portraits, 30 histoires. Ils ont entre 18 et 87 ans et ont au moins un parent homosexuel. Qui sont-ils ? Qu’ont-ils à dire de leur histoire familiale, de l’homosexualité de leurs parents et du regard porté sur eux ? Taina Tervonen, journaliste, les a interrogés. Zabou Carrière, photographe a saisi leurs visages. Visages et témoignages exposés à la galerie Benj à Paris et consignés dans un livre : Fils de … aux éditions Trans Photographic Press.
Article rédigé par franceinfo - Laurence Houot-Remy
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Exposition Fils de.. Taina Tervonen, journaliste et Zabou Carrère, photographe .
 (Laurence Houot-Remy)

Sur cette question de société hautement polémique, on est habitués à entendre les parents, les militants, les politiques, très rarement les enfants. C’est à eux que Taina Tervonen et Zabou Carrière, ont décidé de donner la parole. Et un visage. Elles ont volontairement choisi de s’intéresser à des adultes de tous âges sans faire de tri.

«J’ai commencé par leur demander qui faisait partie de leur famille quand ils étaient enfants», explique Taina Tervonen. Il ne s’agissait pas de leur faire parler de la sexualité de leurs parents. « Qui aurait envie de parler de la sexualité de ses parents ? », souligne Taina en souriant. « Ce qui m’intéressait, c’était  autant le récit d’une histoire familiale et la transmission de cette histoire que le regard de la société sur l’homosexualité et l’homoparentalité». 

Récits à la première personne

Sous forme de verbatim, les témoignages sont écrits à la première personne. «J’ai voulu privilégier l’intimité, pour faire émerger la  sincérité», explique Taina.
Chaque histoire est unique. Pour les plus âgés, il a souvent fallu vivre dans le non-dit et la vérité est souvent révélée tardivement. «J’ai appris que mon père était homosexuel quand j’avais 36 ans» dit Marion.

Dans ce cas il faut engager une réinterprétation de sa propre histoire familiale, ce qui peut être douloureux. Mais «la parole est toujours salvatrice, essentielle», souligne Taina Tervonen. Marion s'est sentie sauvée le jour où son père lui a dit son homosexualité. Cinthia raconte comment lorsqu’elle a posé la question à son père à 18 ans, ils avaient «ouvert une grande porte (…) et étaient  repartis, avec un poids en moins».

Après le PACS

Les plus jeunes ont grandi avec le PACS. Si le secret n’est plus nécessaire, les questions demeurent : homoparentalité, adoption, conception par insémination artificielle, place des uns et des autres dans la famille,  regard porté par la société sur leur différence. «Avec les autres, j’ai vite compris que moins on en dit mieux c’est», confie Vanina, 25 ans. «Je le prends comme un avantage.

Ca permet de se rendre compte de la vraie nature des gens très vite et de faire le tri».Pour Clément 25 ans, sa famille c’est «Isabelle et Marie Pierre. Je les appelle aussi mes mères (…) Quand on me demande où est mon père, je dis que je ne connais pas mon père biologique. Nous avons été conçus tous les trois par insémination artificielle (…) Je ne me souviens pas d’un moment précis où Isabelle et Marie-Pierre m’en aurait parlé, j’ai l’impression de l’avoir toujours su».

Capter les regards

Zabou Carrière a choisi de photographier ces hommes et ces femmes en gros plan. Dans un cadre neutre. La photographe voulait être «au plus près d’eux  puisque c’est leur histoire intime qu’ils racontent». Elle s’est donc concentrée sur leurs visages, «gommant tout ce qui pouvait  nous distraire d’eux ».

La photographe a organisé des séances de pose longues et contraignantes. « A quoi pensent-ils?», c’est la question qu’elle veut susciter. Faire que le spectateur puisse se mettre «à la place de ... C’est comme ça que j’aimerais qu’ils soient regardés». Pour cela, elle a travaillé sur leur regard, avec eux.

Sans polémique ni revendication

La parole livrée ici sans revendication dépassionne un débat idéologique qui a du mal à sortir du «pour ou contre».
Les témoignages se succèdent, vifs, émouvants et égratignent les idées reçues. Les enfants élevés par des parents homosexuels ne sont pas déséquilibrés, n’ont pas de problèmes d’identité sexuelle et n’ont pas plus de probabilités de devenir eux-mêmes homosexuels.

C’est bien souvent  le regard porté sur eux-mêmes et sur leur famille, ou le secret qui enveloppe leur histoire qui produit de la souffrance, et non pas le modèle dans lequel ils grandissent.

Cette exposition propose une réflexion sur ce qu’est  aujourd’hui devenue la famille, protéiforme bien au-delà de la question de l’homoparentalité.
 

Le livre FILS DE ...
Photographies de Zabou CarrièreEditions Trans Photographic Press
Entretiens menés par Taina Tervonen
Préface d'Olivier Roller
Format 18x22 cm à la française
96 pages
Prix public : 25 Euros

Exposition
Galerie Benj
56, rue Saint Sébastien Paris 11ème
Jusqu'au 12 novembre
Du lundi au samedi, de 14h à 19h30, avec une nocturne le jeudi jusqu’à 20h30

A venir :

Exposition à librairie Violette and Co, 102 rue de Charonne – 75011 Paris
du mercredi 11 janvier au dimanche 5 février 2012

Exposition au Pôle Simon Lefranc, 9 rue Simon Lefranc – 75004 Paris
du lundi 12 mars au samedi 31 mars 2011

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