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"Au Bonheur" de Liliane et Christelle Téa, un livre de cuisine asiatique qui se dévore aussi avec les yeux

C'est une affaire de famille : la mère, grandie au Cambodge, retrouve aux fourneaux ses saveurs d'enfance, tandis que la fille, artiste en vue, dessine les plats cuisinés par sa mère. Le résultat est un délicieux livre de cuisine asiatique, de souvenirs et de transmission.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Liliane Téa, cuisinière, et sa fille Christelle Téa, dessinatrice, dans l'atelier parisien de cette dernière, en novembre 2023. (PHOTO ANTOINE VITEK - CULTUREZ VOUS)

Parce que la nourriture se déguste d’abord avec les yeux, les images sont capitales dans les livres de cuisine. Au point que les photos de plats, gage de réussite, sont souvent un préalable à toute proposition sérieuse d’ouvrage de recettes auprès d’un éditeur. Avec Au Bonheur de Liliane et Christelle Téa, il ne s’agit pas de photos, fait assez rare, mais d’illustrations réalisées par la fille de la cuisinière. Et quelles illustrations ! Si délicates, si minutieuses, qu'elles comptent autant que les recettes dans l’attrait de cet ouvrage. 

La soupe Phô et la Salade de mangue verte et bulots dessinées par Christelle Téa dans le livre de recettes "Au Bonheur". (EDITIONS PREMIER PARALLELE)

De fait, son éditeur, Premier Parallèle, est plus spécialisé dans les essais en sciences humaines que dans la bonne chère… Et c’est précisément en découvrant les dessins de l’artiste Christelle Téa et sa personnalité singulière, douce et délicieusement surannée (elle porte toujours un bibi sur la tête), que la directrice éditoriale Amélie Petit, admirative et sous le charme, a nourri l’envie de travailler avec elle et s'est autorisée à faire un pas de côté.

La vocation du dessin née dans le restaurant familial

Dessinatrice en vue passée par les Beaux-Arts de Paris, Christelle Téa, née en 1988 à Créteil dans une famille d’origine chinoise, a été exposée ces dernières années aux quatre coins du monde et ses œuvres figurent déjà dans de prestigieuses collections. Sa vocation est née dans un restaurant, Au Bonheur, que tenaient ses parents dans le 15e arrondissement de Paris.

Le boeuf Lôc Lac et le Dessert du nouvel an chinois dessinées par Christelle Téa. (EDITIONS PREMIER PARALLELE)

Dans l’arrière-salle de l’établissement où elle faisait ses devoirs en rentrant de l’école, Christelle dessinait sur les nappes en papier pour s’occuper en attendant l’heure de rentrer. Elle était si douée qu’elle en a fait son métier. Mais elle qui travaille à main levée, sur le vif, à l’encre de chine, ne dessine pas que des plats, loin de là. Portraits, animaux, végétaux, rues, bâtiments, décors intérieurs, de l’opéra aux musées : elle sait tout faire, tout transfigurer, de son trait précis et détaillé.

Une cuisine inventive et savoureuse

Dans cet ouvrage, Christelle Téa illustre les recettes de sa mère Liliane, née et grandie à Pnom Penh (Cambodge) dans une famille chinoise, arrivée en France en 1975 pour fuir les Khmers rouges. Sa cuisine, familiale, mélange les saveurs de son enfance, venues aussi bien du Cambodge que du Vietnam, de Chine et de Thaïlande, qu’elle a patiemment reconstituées de mémoire.

Une page du livre de recettes "Au Bonheur" de Liliane et Christelle Téa. (EDITIONS PREMIER PARALLELE)

Une cuisine simple mais inventive, à laquelle sont venues s’ajouter des techniques acquises en regardant les émissions télévisuelles de Maïté et Robuchon, comme elle nous l’a raconté de vive voix. Ses plats, elle les élabore avec amour mais comme sa fille au dessin, à main levée. Pour ce livre de transmission, elle a donc pris soin de peser chaque ingrédient et de noter chaque geste dans l’espoir, dit-elle, que le lecteur puisse "réussir du premier coup" les 70 recettes proposées. Sans oublier de détailler le placard idéal, les sauces et techniques de base, ainsi que les ustensiles indispensables et où les trouver.

Des recettes claires, faciles à réaliser (pas toutes)

Nous avons suivi ses recommandations. L’originale salade de mangue verte aux bulots, d’une remarquable fraîcheur acidulée, est très simple à réaliser, surtout si l’on achète les coquillages déjà cuits. Son bœuf Lôc Lac, à démarrer la veille pour la marinade, est une merveille digne des meilleures enseignes asiatiques, tout comme son poulet aux noix de cajou. Le potage pékinois, à la fois onctueux et piquant, est un plaisir d’hiver express qui n’a déjà plus de secrets pour nous.

Les légumes et les herbes dessinées par Christelle Téa dans le livre de recettes "Au Bonheur". (EDITIONS PREMIER PARALLELE)

Cependant, les soupes Phô ou Wonton aux crevettes, longuement mijotées, réclament davantage de patience, et certains ingrédients plus difficiles à dénicher, comme les feuilles de moutarde fermentées, les christophines ou les bananes au sirop, nous ont dissuadée de nous lancer dans la préparation de certains plats. Quant à ses délicieux toasts aux crevettes, d’un croustillant et d’une légèreté à tomber, goûtés lors d’une présentation en petit comité, ils nous semblent beaucoup plus difficiles à maîtriser. Faute de retrouver avant longtemps cette épiphanie gustative, on dévore les dessins.

"Au Bonheur, recettes d’une enfance au Cambodge" de Liliane et Christelle Téa (éditions Premier Parallèle, 32 euros)

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