Annie Le Brun, grande poétesse et figure du surréalisme, est morte à l'âge de 81 ans
"Mes cernes n'ont pas fini de s'agrandir : c'est avec les yeux que je dévore le noir du monde", écrivait Annie Le Brun en 2004 dans Ombre pour ombre, son dernier recueil de poèmes. Vingt ans plus tard, le regard perçant de l'écrivaine quitte le monde et ses arts. Annie Lebrun est morte lundi 29 juillet en Croatie, a annoncé Gallimard, sa maison d'édition, le mercredi 1er août. Elle était âgée de 81 ans.
"Elle était l'une des dernières vigies face à notre abrutissement collectif, au désenchantement du monde et aux fossoyeurs de la poésie", écrit sur Instagram le romancier Jean-Baptiste Del Amo en rendant hommage à celle qui a tant écrit sur l'œuvre du marquis de Sade et autres figures du romantisme noir.
Rebelle à n'en pas douter, Annie Le Brun a commencé sa carrière d'autrice en étant censurée pour "offense au président de la République, apologie du crime, atteinte au moral des armées et diffamation envers la police". Le texte en question, Vive les aventurisques ! figurait en 1968 dans la revue surréaliste L'Archibras.
Prendre position
Née à Rennes en 1942, Annie Le Brun est connue pour ses poèmes, mais aussi pour ses essais qui firent parfois polémiques. En 1977, elle publie notamment Lâchez tout, un ouvrage au sein duquel elle critique violemment ce qu'elle nomme le "néo-féminisme", et contre lequel elle prononce un réquisitoire dans l'émission Apostrophes en 1978. Elle y évoque un "stalinisme en jupons". Dans son viseur : Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Élisabeth Badinter ou encore Gisèle Halimi.
Tout au long de sa carrière, Annie Le Brun a fait vivre la littérature et n'a jamais reculé devant la prise de position. Plaidant pour les droits imprescriptibles de l'imagination, elle a mis tout son talent d'écriture à défendre, contre toute forme de censure, la liberté des écrivains et des artistes. Vive critique de la marchandisation culturelle, l'autrice a dédié sa vie à "ce qui n'a pas de prix", la poésie en somme, chose qui, elle le disait en 1988 au micro de Bernard Pivot, ne se trouve pas toujours que dans les poèmes.
Grande spécialiste de Sade, elle avait été en co-commisaire avec Laurence des Cars de l'exposition Sade. Attaquer le soleil sur l'œuvre du "Divin Marquis" au musée d'Orsay en 2014.
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